Résumé fol. 2Dédicace à Monseigneur le duc de Joyeuse
Hommage rendu au duc de Joyeuse, qui allie l’autorité de son rang aux valeurs de l’esprit car savant en mathématiques et astrologie. Humilité convenue de l’auteur face à son commanditaire et ceux qu’il nomme les grands esprits de son temps, à savoir les savants et cartographes reconnus et faisant autorité. Il lui demande d’être magnanime, arguant de la petitesse de son travail. L’importance du mécène et protecteur est soulignée : lui permettre de s’élever et d'acquérir notoriété par ce travail, poursuivre ensuite l’œuvre commencée sans qu’aucun détracteur ne vienne la contredire. Il lui voue ainsi, selon la règle, une reconnaissance infinie et l’assure de son dévouement.


À TRES HAUT . ET . TRES PUISSANT
SEIGNEUR MONSIEUR . LE . DUC . DE .
IOYEUSE . PAIR . ET . ADMIRAL . DE . France
LIEUTENANT . GENERAL . ET . GOUVERNEUR
POUR . LE . ROY . EN . NORMANDIE .

MONSEIGNEUR Je n’eusse jamaiz tant presumé congnoissant la rudesse et
incapacitté de mon esperit d’entreprendre de mettre la main à la plume pour escripre et dresser
œuvre qui fust mise en lumiere entre tant de grandz et suptilz esperitz qui decorent
aujourd’huy la France. Lesquelz vous ayantz rencontré comme ung mecenat favorable à la vertu tiennent lieu prez de
vostre grandeur et en vostre maison. Veu que les grandz et rigoureux examentz et les divers jugementz me seroient pour
tel oeuvre autant perilleux que les variables soufflementz des ventz et la rigeur impetueuse des flotz à la pettitte
nacelle qui mal equippee se hazarderoit de singler en haulte mer. Voire je eusse beaucoup moins osé prendre la hardiesse de
vous offrir et presenter devant voz yeux ung ouvraige tant mal forgé et polly comme est cestuy cy et venant de sy bas
lieu. Affin de n’estre jugé oultrecuidé et temaire Considéré Monseigneur que entre les dons et graces que Dieu vous a
habondamment eslargies vous ayant pour guerdon de vostre vertu eslevé en suppresme honneur et autoritté, il vous a
aussy doué de toutte vertu et science tant humaine que dyvine estant aorné d’un tres excellent et dyvin esperit. Et que par
ce moyen estant de long temps docte et experimenté aux mathematicques mesmes en astrologie, je seroys veu vous
offrant ce pettit labeur, porter une goutte d’eau en la mer ou comme l’on dict voulloir enseigner minerve.
Touttes ses considerations pouvoient justement empescher ung tel dessain. Maiz vostre grandeur ayant par cy
devant jetté son regard begnin et humain sur quelque petit traict de ma plume assez mal compassé, il vous pleut
sellon vostre benignité acoustumee à favoriser jusques aux plus petitz tous ceulx qui se efforcent à la vertu
m’honorer de vostre commandement de rediger par escript les preceptes et poinctz princippaux de l’art de la
navigation. Et c’est la raison, Monseigneur, qui m’a induict et incitté à dresser ce petit traicté par lequel j’ay taché
princippallement en obeissant à vostre commandement de declarer le plus briefvement qu’il m’a esté possible les
poinctz les plus necessaires ascavoir à celluy qui veut naviguer et faire voiages par mer aux Regions lointaines.
Dont Monseigneur estant la composition de c’est aouvre achevé Vostre susdict commandement faict que je prens
maintenant la hardiesse que je vous supplye tres humblement me voulloir pardonner de le vous adresser et presenter
non en confiance qu’il puisse satisfaire à ce que desirez en ce poinct et moins qu’il soit digne vous estre offert.
Encor congnoissant vostre humanitté singulliere ay esperance qu’en supportant le deffault vous ne rejetterez ce petit
labeur comme estant autheur de tout ce que l’on y peut recongnoistre de bien et sy telle est vostre vollonté, il trouvera sauf conduict
soubz vostre nom et autoritté qui luy servira de favorable deffence en tous lieux sy tant seullement le daignez regarder de
l’oeuil de vostre benignitté. Je vous supplye mon Seigneur recepvoir ce premier essay que je vous dedie pour tesmoignaige de la
reverence et obeissance que je m’efforces rendre à vostre grandeur. Considerant, Monseigneur, que ce n’est que ung petit
commencement, attendant que doresenadvant je puisse faire et dresser choses plus dignes d’estre presentez à vostre
excellence et grandeur. Ayant grand dessain et desir de vous fere tres humble et fidelle service toutte ma vye. Desirant
à l’advenir de vous vouer touttes mes œuvres, comme à mon messenat et bien faiteur. Priant, Dieu, Monseigneur
qu’il luy plaise de plus en plus vous augmenter ses graces et maintenir vostre grandeur et fellicitté ensemble tous
les vostres en tres bonne santé et longue vye. Escripte au havre de grace le premyer jour de May l’an M. D. LXXXIII.


DE PAR VOSTRE TRES HUMBLE ET OBEISSANT
Serviteur A Jamaiz / Jacques Devaulx