Les
anneaux astronomiques sont essentiellement des cadrans solaires dérivant de la
sphère armillaire. Ils s'inscrivent ainsi dans la longue tradition des sphères
grecques. L'anneau astronomique est en quelque sorte la "quintessence"
de la sphère armillaire, en la limitant à ses cercles fondamentaux :
l'équateur, le méridien local et, selon les modèles, un méridien mobile ou
l'axe du Monde. Cette simplicité fait de l'anneau astronomique un objet très
fonctionnel (il est pliable et solide), d'une grande pureté esthétique.
L'origine
des anneaux astronomiques remonte au début de la Renaissance. A l'extrême fin
du Moyen Age, en 1471, l'astronome allemand Regiomontanus avait décrit
une sphère armillaire, nommée annulus sphaericus, composée de trois
anneaux principaux. L'observation prend alors de l'importance en astronomie et
l'on construit de nouveaux instruments, dont certains dérivés de la sphère
armillaire. En même temps qu'une imprimerie et un observatoire, Regiomontanus
établira ainsi à Nuremberg un atelier de construction d'instruments
mathématiques.
Le
premier anneau astronomique proprement dit, a été décrit par Gemma Frisius
(1508-1555), de Louvain, dans son traité publié en 1534 : Usus annuli
astronomici.
Dans
ce petit traité, Gemma Frisius
présente son instrument ainsi :
"Au très honorable, très noble S.
Monseigneur Iehan Khreutter […] Gemma Frison Salut.
[…]
Certes ce qui en grande prolixité de paroles,
des Cadrans, Cylindres, et Astrolabes, d'autres est écrit, tout ce bien près en
ce notre anneau est compris et digéré. Lequel anneau , voyant être très bel
ornement et digne de Prince, et point seulement ornement, mais aussi singulière
utilité très plaisante, le n'ai pas voulu commettre ni laisser, que ne dédiasse
cette notre telle quelle œuvre à votre Seigneurie et noblesse. A laquelle en
beaucoup d'affaires en son temps occupée, me semblait cette chose très utile et
profitable. […]
Sur ce priant au créateur (mon très honoré
Seigneur) vous donner d'accomplir de vos nobles, et salutaires désirs. De
Louvain, ce premier jour de février en l'an de notre salut quinze cents et
trente quatre."
Des anneaux astronomiques de
cette époque nous sont parvenus, faisant un peu ainsi revivre, en miniature, la
sphère armillaire de Ptolémée.
L'anneau
astronomique se tient verticalement et sera orienté de sorte que ses cercles
soient parallèles aux cercles de la sphère céleste auxquels ils correspondent
(on n'a pas besoin pour cela de boussole, la position des astres, du Soleil par
exemple, suffira, et donnera même une orientation plus précise).
Gemma Frisius décrit ainsi les différentes parties de son anneau :
"Le Premier Chapitre, contient la
déclaration des parties de l'anneau.
Tout l'usage de notre anneau est contenu en
quatre cercles, rondeaux ou orbes. Desquels l'extérieur [premier cercle] , à
savoir, qui contient les autres en soi tournants, lequel est au lieu du cercle
Méridien. Nous appelons cercle Méridien un cercle, qui passe par tous deux
pôles du monde, et par le zénith, qui est le point droitement sur notre tête.
Pourtant que quand le Soleil se levant d'orient parvient à ce cercle, à donc se
fait le midi. A cet orbe sont fichées deux orbes intérieurs joints ensemble en
façon d'un anneau : et ces deux points sur lesquels ces deux orbes se meuvent,
sont appelés des Mathématiciens pôles. […]
Le second orbe ou rondeau qui étant l'anneau
clos fait avec le premier un orbe entier, est le cercle équinoxial [équateur] , qui est le
cercle au milieu du monde également distant des deux pôles du monde. Celui-ci
est partagé en 24 heures égales commençantes à midi et à minuit. […]
Le troisième orbe avec le quatrième est
tellement assemblé et conjoint, que tous deux semblent un orbe. […] Or donc en
la surface intérieure sont écrits les douze mois de l'an : par lesquels se mène
une pinnule quand on boute par un style ou touche l'extérieur de ces deux. A
l'encontre des mois sont écrits les 12 signes du zodiaque, par lesquels se mène
un trou ou petit pertuis ensemble avec la pinnule par les mois. Puis après un
quart de cet orbe est partagé en 90 degrés, desquels le nombre est écrit de 10
en 10. De l'autre côté sont 24 parties inégales, lesquelles servent pour même
mesurer les hauteurs et distances. A la fin de côté de cet orbe sont ajoutées
deux pinnules à l'opposé de l'une à l'autre, appropriées aux heures de nuit, et
pour les mesurements.
Aucun anneau a les pinnules mobiles.
Récapitulons.
L'anneau de Gemma Frisius est constitué des cercles suivants.
· Le méridien local fixe :
Il
est gradué en latitudes. L'anneau de suspension se déplace sur le méridien
local et doit être placé à la latitude correspondant au lieu d'observation. Ainsi,
sur l'illustration précédente, on observe, à proximité de l'équateur terrestre,
que les pôles, à l'intersection des deux méridiens, sont pratiquement à
l'horizon.
· Le méridien mobile :
Il
pivote autour des pôles. L'anneau principal, épais, contient un anneau
intérieur coulissant (cela fait en tout quatre anneaux) auquel sont fixées les
pinnules qui sont de la sorte réglables en déclinaison (analogue pour un astre
de la longitude terrestre). L'adjonction de ces pinnules fait que l'instrument
est utilisable de jour, comme cadran solaire, par mesure de la hauteur du
Soleil, ou de nuit, en mesurant la hauteur d'une étoile (30 étoiles sont
repérées).
· L'équateur :
Il
est gradué en 24 heures. Il est midi et minuit aux intersections avec le cercle
méridien local.
Pour
déterminer l'heure de jour, il suffit :
· De régler l'anneau à la latitude du lieu.
· De régler les pinnules selon la déclinaison du Soleil (sa hauteur par
rapport à l'équateur) au jour de l'observation.
· Simultanément, de pivoter l'instrument et de tourner le méridien
mobile jusqu'à ce qu'un rayon du Soleil traverse les deux pinnules. En sachant
si l'on est avant ou après le midi solaire, il n'y a qu'une seule position
possible et l'instrument est alors orienté (c'est à dire que le pôle nord de
l'instrument donne exactement la direction du nord géographique).
· La graduation située, sur l'équateur, à l'intersection du méridien
mobile, donne l'heure ("heure solaire vraie").
Gemma Frisius décrit dans son Usus annuli astronomici de nombreuses utilisations
de son instrument, dont des utilisations topographiques pour des mesures de
distances inaccessibles, comme la hauteur d'une tour. Il est assez habituel, à
l'époque, de concevoir des instruments ayant une quantité d'usages. La
spécialisation viendra à partir du XVIIe siècle. Voici certaines
utilisations présentées par Gemma Frisius :
" · Pour chercher les heures
par nuit.
· Pour savoir la quantité du jour et les
heures du Soleil levant.
· Comment trouver les quatre parties et angles du
monde [s'orienter].
· De la hauteur du Soleil et des étoiles.
· Pour trouver la hauteur de chacune chose par
l'ombre [mesure
d'une tour…].
· Pour trouver la hauteur d'une chose à laquelle on
ne peut s'approcher. "
Etc.
Vers
la fin du XVIe siècle, ce modèle d'anneau astronomique est supplanté
par un autre, venu d'Angleterre.
A
la fin du XVIe siècle, le mathématicien et astrologue de la reine Elisabeth,
John Dee, joue un rôle influant dans la promotion des mathématiques et
de la construction d'instruments scientifiques, non seulement pour des raisons
militaires, mais surtout pour les besoins de la navigation océane, nécessaire à
l'expansion anglaise. En 1597, Sir Thomas Gresham, conseillé économique
de la reine Elisabeth fonde le Gresham college à Londres
(institution qui existe toujours). Ce dernier estime que l'économie de la ville
serait favorisée par l'éducation des classes marchandes. C'est le premier lieu
en Angleterre où des chaires traitant de sujets mathématiques sont crées. De
plus, il est demandé aux professeurs de fournir des applications pratiques : le
professeur de géométrie traite de topographie, celui d'astronomie, de
navigation et de l'utilisation des instruments mathématiques. Le premier
professeur de géométrie est Henry Briggs (connu pour ses tables de
logarithmes). Autour de lui se forme un groupe de mathématiciens et de
scientifiques, parmi lesquels se situe l'inventeur de notre instrument : William
Oughtred (1574-1660).
Mathématicien,
Oughtred s'est aussi intéressé aux instruments, en particulier pendant
ses années d'université à Cambridge. Plus tard, informé de la découverte
des logarithmes, il produit les premières formes de règle à calcul. D'abord
circulaires, puis rectilignes telles que celles en usage jusque dans les années
1970. En 1652, en appendice à la deuxième édition de son ouvrage "The
Description and Use of the Double Horizontall Dyall", paraît "The
Description of the General Horological Ring". Il s'agit d'un anneau
astronomique équatorial universel (pour toutes les latitudes), inspiré de celui
de Gemma Frisius mais simplifié, de sorte à ne répondre qu'à la seule
fonction de montre solaire. Cet anneau astronomique particulier est d'abord
produit par Elias Allen, un constructeur avec lequel Oughtred est
en étroite relation.
Oughtred a très astucieusement substitué au cercle méridien mobile portant les
pinnules de l'instrument de Gemma Frisius, un axe dans la direction des
pôles (l'axe du Monde). Cet axe supporte une pinnule mobile que l'on déplace selon
la date d'observation (et donc la déclinaison du Soleil). L'appareil, pliable,
est plus simple, plus robuste, d'un moindre coût.
L'anneau
d'Oughtred fabriqué par les élèves du lycée Branly à Créteil mesure 14
cm de diamètre.
Pour
déterminer l'heure de jour, il suffit :
· De régler l'anneau à la
latitude du lieu.
· De régler la pinnule sur l'axe du Monde selon la déclinaison du Soleil
au jour de l'observation.
· Simultanément, de pivoter l'instrument et de tourner l'axe du Monde
(mobile autour des pôles) jusqu'à ce qu'un rayon du Soleil traverse la pinnule
et atteigne l'équateur (voir l'illustration). Si l'on sait si l'on est avant ou
après midi, il n'y a qu'une seule telle position et l'instrument est alors
orienté.
· L'impact du rayon solaire, sur l'équateur, donne l'heure ("heure
solaire vraie").
Au cours des XVIIe
et XVIIIe siècles, la plupart des anneaux fabriqués sont du type
précédent. Ceux-ci ont cependant deux défauts : ils manquent de précision à
midi, l'anneau du méridien faisant de l'ombre, et ils ne fonctionnent pas aux
équinoxes (cette fois, c'est l'anneau équatorial qui fait de l'ombre). Pour
répondre à ces problèmes, on construisit des anneaux à trois cercles, analogues
à ceux de Gemma Frisius, mais où le quatrième cercle de ce dernier
(celui qui portait les pinnules) est remplacé par une alidade à pinnules (barre
de visée).
Encore
fabriqués au milieu du XIXe siècle, les anneaux astronomiques
disparaissent en même temps que l'usage de l'heure locale. A la fin du XIXe
siècle, en effet, le développement du chemin de fer contraint à l'instauration
de l'heure légale, selon les fuseaux horaires. L'anneau astronomique qui était
un intéressant cadran solaire de voyage (car universel, pour toutes les
latitudes), lorsque l'on vivait à l'heure locale, perd sa raison d'être. C'est
la montre mécanique qui fournit l'heure légale, et de façon désormais très
précise.