INSTITUT ET MUSEE D’HISTOIRE DES SCIENCES
EGNAZIO DANTI ET FLORENCE

 

Egnazio Danti cosmographe de Cosme de Médicis

L’IMSS

L’Istituto e Museo di Storia della Scienza de Florence est sans conteste l’un des plus riches au monde dans le domaine des instruments scientifiques anciens. Seul le musée d’Oxford, dans le secteur particulier des astrolabes et quadrants, le dépasse en richesses.

Le sous-sol, rénové, présente d’excellentes expositions temporaires. Le rez-de-chaussée, également rénové, permet un accueil agréable et la vente de catalogues (souvent en anglais) et d’études sur les instruments : un premier coffret sur le compas de Galilée, comprenant CD-Rom et reproduction en carton de l’instrument, est disponible depuis juin 2004, un second sur le « jovilabe » de Galilée devrait voir le jour (on aimerait voir de telles initiatives se multiplier).

Voici un exemple de vitrine, montrant un quadrant ancien (avec curseur), une navicula et des anneaux astronomiques. Consulter le site Internet du musée, très bien fait. Les nécessaires d’instruments mathématiques (souvent à l’intention des princes) sont particulièrement impressionnants.

 


 


La « Machine universelle du Monde », sphère armillaire gigantesque construite par Antonio Santucci entre 1588 et 1593 pour Ferdinand Ier de Médicis occupe presque une salle entière (on aperçoit la Terre, coincée au centre des cercles du système de Santucci).

 


 


L’image suivante montre une reproduction (pour une exposition temporaire) de l’astrolabe-sphère armillaire de Ptolémée, instrument décrit dans l’Almageste et qui permit à son auteur de dresser son célèbre catalogue d’étoiles.

 


 


L’astrolabe montré ci-dessous, de 84 cm de diamètre ( ! ), date du XVIe siècle et fut utilisé par Galilée (il se trouvait dans la galerie des Offices). Il a longtemps été attribué à Egnazio Danti mais sortirait en fait (semble-t-il) de l’atelier de Giovanni Batista Giusti. A propos de Danti, cosmographe de Cosme Ier de Médicis, il en subsiste quelques autres beaux souvenirs dans Florence…

 


 


Site officiel du musée : http://galileo.imss.firenze.it/

Egnazio Danti cosmographe de Cosme de Médicis

Egnazio Danti (1536-1586), membre de l’ordre des Dominicains, fut appelé comme cosmographe par Cosme Ier de Médicis. Son grand-père, Pier Vincenzo Rainaldi (surnommé Dante ou Danti d’après l’auteur de la Divine Comédie) traduisit en italien le Traité de la Sphère de Sacrobosco ; quant à son père, Guilio Danti, il fabriquait des objets d’art ainsi que des instruments astronomiques et topographiques. A la mort de Cosme, en 1574, Egnazio Danti devint professeur de mathématiques à Bologne, puis fut appelé, en 1580, à Rome par le pape Grégoire XIII (il participa à la commission de réforme du calendrier), servant ensuite le pape Sixte V.

 


 


 


Plusieurs traces de l’activité d’Egnazio Danti sont encore visibles à Florence : la « salle des cartes » au Palazzio Vecchio et les cadrans de la façade de l’église Santa Maria Novella.

 


(Le Duomo de Florence vu depuis le Palazzio Vecchio.)

 


En 1562, Cosme de Médicis demande à Danti de dresser des cartes des différentes parties du monde ainsi qu’un grand globe terrestre. Les cartes (splendides) et le globe (noirci par le temps et en projet de restauration…) sont toujours visibles au Palazzo Vecchio !

 


 


 

 


Sur la façade de Santa Maria Novella, Danti fit dresser un anneau équatorial et un quadrant, afin d’étudier le moment exact de l’équinoxe, en vue d’une réforme du calendrier (Cosme de Médicis avait signifié au pape sa volonté de parfaire le calendrier, geste politique qui en ferait l’égal de Jules César…). Il constatera ainsi que l’équinoxe de printemps de 1574 tombe le 11 mars, soit 10 jours plus tôt que ce qu’il aurait dû dans le calendrier julien.

Si les anneaux de laiton (méridien et équateur) sont toujours bien visibles, on ne voit du quadrant que son support (il est peut-être conservé quelque part…).

L’église de S. M. Novella appartenait aux dominicains, l’ordre de Danti, mais celui-ci explique le choix de cet emplacement par le fait que (cité par Heilbron, cf. références) « c’était le plus commode et le plus stable de Florence, assez solide pour rester immobile aussi longtemps que le monde durera, et largement exposé au sud de façon à recevoir les rayons du Soleil à l’époque des équinoxes, du matin jusqu’au soir ».

Une telle armille équatoriale avait déjà été utilisée par Ptolémée, à Alexandrie, pour déterminer l’équinoxe, puis plus tard par Sosigène (pour le calendrier de César). Le cercle vertical (AB sur la figure de Danti) est dans le plan méridien (le Soleil est dans le plan de ce cercle à midi solaire), et le cercle FG est dans celui de l’équateur. Au moment de l’équinoxe, le Soleil étant exactement dans le plan de l’équateur, l’anneau équatorial FG forme son ombre sur lui-même.

Le jour de l’équinoxe 1574, Danti amena de « nombreux gentilhommes » observer l’ombre de l’armille équatoriale. Au moment de l’équinoxe, « et un peu avant et un peu après, le [centre du] Soleil fut dans l’équateur céleste, les rayons du Soleil apparurent comme un mince filet de lumière sur les bords de la partie concave de l’armille équatoriale, au-dessus et au-dessous, et puis, en un instant, le filet du sud disparut et le filet du nord commença à croître ». Il était 10h24. En fait, une erreur sur la détermination de la latitude de S. M. Novella, fait que l’armille de l’équateur n’est pas exactement dans le plan équatorial, induisant une erreur de plus de deux heures sur la détermination de l’équinoxe.

 


 


Sur le même mur de S. M. Novella, côté droit, Danti installa un quadrant d’environ 1,5 m2, en pierre, à plus de 7 m du sol. Ce quadrant n’est plus en place (en août 2004), il ne subsiste que le support (D et F) ainsi qu’un morceau de fer, qui le maintenait au point S. Une photo le montrant dans l’ouvrage d’Heilbron, il a peut-être été démonté pour le protéger ( ?).

Le quadrant était placé exactement dans le plan méridien. L’ombre d’un petit cylindre métallique (ON) indique alors l’angle de hauteur du Soleil à midi solaire (quand le Soleil passe dans le plan du quadrant). Sur la figure de Danti, ci-dessous, la ligne EC correspond à l’ombre à l’équinoxe. La hauteur du Soleil correspond alors à l’angle SNC (environ 46° sur la figure).

 


 


L’objectif de ce quadrant était l’observation des équinoxes et solstices, pour déterminer la durée de l’année (entre deux équinoxes) ainsi que la valeur de e l’angle de l’écliptique, données nécessaires à la réforme du calendrier.

L’examen du schéma suivant montre qu’entre la hauteur h du Soleil à midi solaire, la latitude j du lieu O d’observation et la déclinaison d du Soleil le jour de l’observation, existe la relation :

h = 90° – j + d .

 


 


Le jour des équinoxes, on a hEQ = 90° - j = 46°20’  selon Danti, c’est à dire j = 43°43’, latitude inexacte (la valeur exacte étant proche de 43°47’).

La hauteur méridienne la plus haute du Soleil sera atteinte au solstice d’été :

hSE = 90° - j + e .

La hauteur méridienne la plus basse du Soleil sera atteinte au solstice d’hiver :

hSH = 90° - j - e .

La différence entre les deux permettra de connaître e :

hSEhSH = 2e .

 


 


 


Danti inscrivit sur le quadrant le résultat obtenu  2e = 46°53’39’’50’’’ , précision assez dérisoire, le résultat e = 23°26’49’’55’’’ étant assez loin de ce qu’il aurait dû trouver : e » 23°29’ à l’époque.

Ces instruments étaient plus artistiques que précis. En fait, Danti avait commencé la construction d’une grande méridienne à Santa Maria Novella, qui lui aurait permis de meilleures observations. Mais la mort de son protecteur, Cosme de Médicis, et l’hostilité de son fils  et successeur, Francesco, interrompit ce projet, Danti devant quitter Florence.

 

En 1569, E. Danti fait paraître la première édition de son Trattato dell’uso et della fabbrica dell’astrolabio. Con l’aggiunta des planisfero del Roias. La seconde édition (1578) contiendra la description des instruments de Santa Maria Novella.

Danti décrit dans ce traité (le premier publié en Italie sur l’astrolabe) l’astrolabe planisphérique classique, sa construction et son usage, puis explique le besoin d’un astrolabe universel (pour toutes les latitudes) et comment le problème a été résolu par les « duoi bellissimi Planisferij » de Gemma Frisius et de Rojas. Danti attribue l’invention de l’astrolabe « en partie aux Perses, en partie aux Arabes et en partie aux Egyptiens ». Il considère les progrès récents (durant cette Renaissance) en perspective, comme dus à l’application des techniques astrolabiques à la géographie par Apian et Finé (il s’agit du point de vu d’un contemporain, ou presque…).

 


(Dos d’un astrolabe, aux armes des Médicis, extrait de l’ouvrage de Danti).

 


En 1583, E. Danti publie avec Latino Orsini son Trattado del Radio Latino, selon la suite du titre, « instrument plus agréable et plus facile qu’aucun autre pour prendre toute mesure que l’on veut et position des lieux, aussi bien dans le ciel que sur la terre ».

Selon la préface de Danti, le texte de base est d’Orsini et les annotations de lui même. En fait les annotations sont plus longues que le texte primitif et la troisième partie, sur l’astronomie, est entièrement de la main de Danti. Dans son adresse au lecteur, Danti date « Di Palazzio di N. Sig. », 26 août 1583. Ce lieu est le Vatican, où Danti est au service du pape Grégoire XIII entre 1580 et 1583.

 


 


Le « radio latino » est constitué de cinq bras articulés. Danti affirme qu’il est dérivé de l’arbalestrille (bâton de Jacob) et des règles de Ptolémée (instrument décrit dans l’Almageste).

Références

· Bennet (Jim) et Bertoloni Meli (Domenico) - Sphaera Mundi – Astronomy Books 1478-1600 – Whipple Museum Cambridge, 1994.

· Heilbron (John L.) – Astronomie et églises – Belin – Pour la science 2003.

· Biographie en anglais : http://www-gap.dcs.st-and.ac.uk/~history/Mathematicians/Danti.html

 

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