Une reproduction d’astrolabe safavide

 

On trouve actuellement (2006) en vente, dans les boutiques d’artisanat et de curiosités orientales, une reproduction d’astrolabe perse effectuée par les artisans de New Delhi et qui ne manque pas d’intérêt. C’est l’occasion d’évoquer ici les astrolabes réalisés en Iran sous l’empire safavide et qui constituent les plus belles pièces des musées.

Une belle reproduction d’astrolabe perse


Cette reproduction d’astrolabe est en laiton et mesure 17,3 cm de diamètre. Elle se démonte et contient quatre tympans.

Les écritures sont en arabe, d’une calligraphie coufique un peu grossière, la gravure des tympans étant plus fine que le reste.

Il s’agit visiblement d’une reproduction d’astrolabe safavide, le diagramme de qibla figurant au dos (en haut à droite) étant caractéristique de cette production. Il n’a cependant pas été possible de retrouver, dans les différents catalogues existant, l’original qui aurait pu servir de modèle à cette reproduction.

 


 


Quelques exemples d’astrolabes safavides dans les musées

Les images ci-dessous se passent de commentaires : les astrolabes perses de la période safavide sont de véritables pièces d’orfèvrerie.

 


 


 


 


 


L’empire safavide

1501 : C’est la dynastie safavide qui réalisa l'unification de la Perse en 1501 et établit le chiisme comme religion officielle. Le chef Safavide Ismaïl réunit sous son commandement plusieurs tribus chiites turkmènes qui refusaient la domination ottomane et vainquit les dernières hordes de Moutons Blancs en 1501. Montant sur le trône en 1502, il se proclama Ismaïl Ier chah de Perse.

1598 : La Perse safavide connaît son apogée avec Abbas le Grand, qui transfère la capitale à Ispahan (1598). Son règne est marqué notamment par le développement des échanges avec l’Europe.

1722 : Les Afghans s’emparent d’Ispahan. C’est la chute de la dynastie safavide.

 


 


Panneau de la salle du musée du Louvre consacrée à l’Iran safavide.

 

Souverains safavides :

1501-1524 : Ismaïl Ier

1524-1576 : Tahmasp Ier

1576-1578 : Ismaïl II

1578-1588 : Muhammad Khudabanda

1588-1629 : Abbas Ier le Grand

1629-1642 : Séfi Ier

1642-1666 : Abbas II

1666-1694 : Süleyman Ier

1694-1722 : Hussein Ier

1722-1725 : Mahmoud (dynastie Ghilzai)

1725-1729 : Ashraf (dynastie Ghilzai)

1729-1732 : Tahmasp II

1732-1736 : Abbas III

 


 


La période Safavide est caractérisée par les très grandes réalisations de l'art Perse, notamment en peinture, en architecture, dans les textiles et la fabrication de tapis. Les productions artistiques safavides seront très recherchées par les marchands européens au XVIIème siècle.

Ci-dessous, des exemples de l’art safavide présentés au Louvre.

 


 


 


Un témoin privilégié : Jean Chardin (Paris 1643 – Londres 1713)

Jean Chardin est un huguenot français, bijoutier, qui a effectué d’importants voyages en Perse, à l’époque de Louis XIV.

 

Dans son ouvrage Voyages en Perse et autres lieux de l’Orient, il donne une description unique en son genre, et pleine de l’admiration d’un expert en matière d’orfèvrerie, de la construction des astrolabes à l’époque safavide.

Pour lire de larges extraits de son ouvrage et une brève biographie de ce personnage de roman, cliquer sur le lien suivant :

 

chardin.htm

 

 

 

 

Une analyse de la reproduction de New Delhi

La matrice


 


Sur le limbe (bord) de la matrice apparaissent (entre accolades) les noms des quatre points cardinaux : « Sud » en haut, « Nord » en bas, « Ouest » à droite et « Est » à gauche.

Sur le demi-cercle inférieur du limbe, sont inscrits les noms des 12 signes du zodiaque.

Le demi-cercle supérieur du limbe est divisé en six secteurs de 15° chacun. Il peut s’agir d’heures égales.

Il manque sans doute des subdivisions plus précises (non reproduites).

Le fond de la matrice est gravée selon une table à caractère astrologique. Il y a six cercles concentriques. On reconnaît, en partant de l’extérieur :

1. Les 12 mois de l’année lunaire musulmane.

2. Des chiffres (figurés par des lettres selon la notation alphabétique « abjad »).

3. Les 12 signes du zodiaque.

4. ?

5 Les planètes.

6. ?

L’araignée


 


L’araignée est assez sobre (pour un astrolabe perse) et n’est pas sans rappeler le dernier des exemples du musée d’Oxford montré ci-dessus. Certaines pointes, figurant les étoiles, ont la forme d’un bec d’oiseau. La forme de cœur, à l’intérieur du cercle écliptique, est assez caractéristique.

Sont figurées une vingtaine d’étoiles.

Le cercle écliptique, figurant les positions du Soleil au cours de l’année, est gravé des signes du zodiaque. Les graduations et subdivisions sont absentes.

Les tympans

Tympan pour la latitude du tropique du Cancer (23,5° - Arabie - Inde)


 


Ce tympan est un tympan « classique » d’astrolabe planisphérique, qui semble gravé pour une latitude proche de celle du tropique du Cancer. En effet, le zénith est pratiquement sur le cercle du tropique et le centre du tympan (le trou), qui correspond à l’étoile polaire, est aux environs de la 4e ligne de hauteur à partir de l’horizon et celles-ci semblent tracées tous les 6° (on compte 15 lignes de hauteur entre l’horizon et le zénith et 15 ´ 6 = 90°), ainsi 4 ´ 6 = 24° et la hauteur de la polaire sur l’horizon correspond à la latitude du lieu qui semble bien être celle du tropique : 23,5 °.

 


 


La principale ligne à repérer sur le schéma ci-dessus est celle (tirets rouges) de l’horizon. Au dessus de l’horizon, les arcs de hauteur s’enroulent autour du zénith.

Diamétralement opposé (sur la sphère céleste) au zénith, se situe le nadir. Puisque le zénith se trouve sur le tropique du Cancer, le nadir se situe lui sur le tropique du Capricorne, au bord du tympan.

Différents arcs d’azimut sont tracés à partir du zénith en direction du nadir. On a souligné en bleu l’arc d’azimut Est-Ouest qui est le cercle passant par le zénith, le nadir et les points Est et Ouest de l’horizon local.

Sous l’horizon sont tracées les lignes des heures inégales (un exemple est donné en vert, il s’agit de l’arc de la 9e heure inégale : la durée de la nuit est partagée en 12 heures et la durée du jour en 12 « autres » heures (sauf aux équinoxes, où ces heures inégales sont alors égales.

Sous l’horizon sont tracées également (d’où le côté un peu fouillis) les lignes des heures babyloniques (un arc est souligné en violet). En Orient, on avait l’habitude de compter les heures (24 heures égales) à partir du lever du Soleil.

Tympan équatorial et polaire


 


La moitié supérieure de ce tympan est gravée pour la latitude de l’équateur : le zénith est sur le cercle de l’équateur, l’étoile polaire (le trou) est sur l’horizon qui est ici une ligne droite.

Dans la moitié inférieure, laissée libre, on a tracé un demi-tympan (ou un tympan plié en deux puisqu’il y a symétrie parfaite) pour la latitude du Pôle Nord : le zénith est l’étoile polaire (le trou), l’horizon est le cercle de l’équateur. La partie en-dessous de l’équateur est invisible. Les arcs de hauteurs sont des « parallèles » concentriques et les lignes d’égal azimut des segments de droites correspondant aux méridiens horaires.

Le partage en 12 parties depuis le point nord (et sud) de l’horizon (qui est l’équateur) a sans doute un objectif astrologique.

Tympan d’horizons


 


Sur ce tympan sont tracés toute une série d’horizons, pour des latitudes différentes.

Sur les tympans d’horizons occidentaux, ceux sont entièrement tracés et le tympan se présente alors ainsi :

 


Sur les astrolabes orientaux, comme celui étudié ici, seule la moitié d’un horizon est tracée. Ceci permet de tracer beaucoup plus d’horizons, pour davantage de latitudes, en effectuant un quart de tour entre chaque série de tracés.

Ce tympan permet, pour de nombreuses latitudes, de répondre aux questions d’heure de lever et coucher du Soleil ou d’une étoile et de la durée du jour.

Tympan des coordonnées écliptiques


 


Ce tympan est tracé comme un tympan ordinaire, pour une latitude de 66,5° (sauf que les tracés sont également effectués sous l’horizon. On a ici repassé « l’horizon » en rouge. Il permet de retrouver les coordonnées écliptiques.

Les coordonnées écliptiques sont calculées par rapport à l’écliptique : longitude céleste comptée à partir du point g sur l’écliptique et latitude céleste, comptée perpendiculairement à l’écliptique. Le pôle de l’écliptique est à une hauteur de 66,5° au-dessus de l’équateur.

Sur le tympan ci-dessus la longitude céleste est donnée par les arcs d’azimut et la latitude céleste par les arcs de hauteur.

Le dos de l’astrolabe


 


Au centre, on distingue :

- un double carré des ombres (divisé en huit parties égales pour le carré de droite et en sept parties égales pour le carré de gauche).

- un quadrant des sinus et des heures inégales (en haut à gauche),

- un quadrant de qibla (en haut à droite) :

Ce quadrant est une caractéristique des astrolabes safavides . Le plus ancien connu est daté 1052 de l’hégire, c’est-à-dire 1642-1643. Ce tracé indique, pour une ville donnée, la hauteur du Soleil lorsque celui-ci est dans la direction de La Mecque, selon la saison.

 


 


Sur le limbe du dos de la matrice, on trouve dans la moitié supérieure des graduations régulières tous les 15°, sans doute pour mesurer les angles de hauteur. Cependant l’alidade est absente et il devait sans doute y avoir des subdivisions au moins tous les degrés.

Dans la partie inférieures, on trouve différentes tables écrites sur 6 demi-cercles concentriques et à usage astrologique. De l’extérieur vers l’intérieur, on lit :

1. planètes,

2. signes du zodiaque,

3. chiffres (abjad),

4. planètes,

5. chiffres (abjad),

6. ?

 

 

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