L'ASTROLABE

 

SUR CE SITE : « l’astrolabe en scène » lors du festival international Science on Stage 2007 : astrolabe_bienvenue.htm (ce lien conduit à une nouvelle présentation de l’astrolabe, ses principes, son histoire,... réalisée en français et en anglais lors de la participation à ce festival scientifique).

SUR CE SITE : étude d’une reproduction d’astrolabe persan : astrolabe safavide.htm .

SUR CE SITE : al-Khwarizmi et l’astrolabe : Khwarizmi astrolabe.htm .

SUR CE SITE : les astrolabes à Ispahan en 1673 par Jean Chardin : chardin.htm .

 

Instrument phare de l'astronomie, avec la sphère armillaire, l'astrolabe en est la projection stéréographique. Comme cette dernière, il est une représentation de l'Univers, dans sa vision géocentrique, et permet de "prendre les astres" (c'est l'étymologie grecque de son nom), pour donner l'heure, s'orienter, calculer et prévoir des phénomènes astronomiques et par là même dresser un horoscope. Pour ses multiples usages, il fut connu comme le "roi des instruments mathématiques". C'est aussi celui dont la longévité fut la plus grande, en usage depuis la fin de l'Antiquité, jusqu'au début des temps modernes. Enfin, c'est sans doute l'instrument mathématique dont le charme ésotérique est le plus immédiat. Voici la présentation qu'en fait Jean Stöffler pour l'introduction de son Traité de la composition et fabrique de l'Astrolabe, et de son usage :

 

"A tous les amateurs

des bonnes lettres, & étudiants es

arts libéraux, Jean Stofler

présente Salut.

Encore que pour l'usage, et pratique des Mathématiques, lecteurs débonnaires, plusieurs instruments, forts beaux et dignes d'admiration, aient été inventés, déclarés, expliqués, et démontrés entièrement, par plusieurs livres décrits par auteurs très excellents : si est-ce que l'invention, et description, qui est faite du Planisphère, ou Astrolabe, entre toutes est la plus belle, et laquelle on doit plus estimer."

[…] "d'autant que ceci servira d'un vocabulaire à ceux, qui sont studieux en la discipline des Mathématiques, pour raison de la noble et haute inquisition de ses innumérables commodités, et usages."

[…] "vous souhaitant, bénins lecteurs, en toute prospérité, santé entière. De Tubinge, l'an de Salut mil cinq cent dix."

Principe et usages de l'astrolabe

Selon Sévère Sabokt, évêque syriaque du VIIe siècle, et auteur de l'un des plus anciens traités de l'astrolabe qui nous soit parvenu, "L'astrolabe est instrument artificiel, composé, à l'aide duquel on détermine les étoiles, les heures, les levers, les zones tropicales, en un mot, le double mouvement en longitude et en latitude de la sphère céleste et les changements de climat[1]."

Pour "prendre les étoiles", on utilise le dos de l'astrolabe que l'on tient alors verticalement. Une tige, nommée alidade (al-idada = la pièce forgée en arabe), ou dioptre en grec, et munie de deux œilletons, les pinnules, permet de viser un astre pour en déterminer la hauteur (angle mesurant son altitude).

Cette mesure étant faite, on prend, à plat, l'astrolabe côté face, pour obtenir, par rotation des pièces, l'information souhaitée (l'heure par exemple). Le simple mécanisme de l'instrument remplace tout calcul.


Cette partie de l'instrument consiste en une projection stéréographique du système géocentrique de l'Univers.

Les astrolabes sphériques ont existé (on en voit un au musée d'Oxford).

 

 

Cependant tout l'intérêt de l'astrolabe planisphérique réside dans son faible encombrement et sa facilité de construction.

 

 

 

Imaginez votre œil situé au pôle sud de la sphère céleste, la face de l'astrolabe correspond à ce que vous voyez, projeté sur le plan de l'équateur céleste, et limité au tropique du Capricorne.

 

 

 

 


On effectue en fait une double projection de la sphère céleste. Les parties mobiles de la sphère, dont les étoiles et l'écliptique, donneront l'araignée, qui est la pièce ajourée au dessus de la face de l'astrolabe. Ses pointes représentent les étoiles les plus brillantes. L'étoile polaire (fixe dans le ciel) est au centre de l'araignée. En faisant pivoter l'araignée autour de ce centre, on figure le mouvement apparent des étoiles durant la nuit (la Terre est supposée fixe). Les repères fixes de la sphère, comme l'horizon ou le méridien, donneront le tympan, situé au fond de l'appareil et correspondant aux coordonnées locales d'observation. Dans l'hémisphère nord, la hauteur de l'étoile polaire (centre de l'astrolabe) au-dessus de l'horizon correspond à la latitude du lieu. Le tympan dépend donc de la latitude. De même que l'on règle la sphère armillaire en latitude, on choisira donc le tympan adapté. Pour cette raison, l'araignée est démontable.

L'astrolabe a les mêmes usages que la sphère armillaire (en plus pratique) et d'autres encore… Voici ce qu'en dit Jacques Focard dans sa Paraphrase de l'astrolabe (édition de 1546) :

 

"Astrolabe comme il est dit, est sphère solide mise en figure plate, par lequel on a connaissance des mouvements des astres, et utilités procédant d'iceux. Or à vrai dire, les utilités que d'icelui mettons par chapitres, sont petites, au regard de celles que met Ptolémée en son Almageste. Et brièvement, les utilités qui viennent de lui, ne se peuvent dire, tant sont grandes : par quoi me déporterai d'en écrire plus avant."

 

Nous n'entrerons donc pas dans les détails. Un auteur comme As-Suffi (903-986) en donnera plus de mille utilisations !

La première mesure possible, en tenant l'astrolabe verticalement, est, comme on l'a vu, celle de l'angle de hauteur du Soleil, ou d'une étoile, par rapport à l'horizon. Elle s'obtient par visée à l'aide de l'alidade à pinnules.

Avec cette information, et connaissant la latitude (choix du tympan) et le jour, on peut déterminer l'heure. Pour ce faire, prenant l'astrolabe à plat côté face, on fait tourner l'araignée de façon à reproduire l'aspect du ciel à l'instant de l'observation (hauteur de l'astre visé sur l'horizon). Il suffit alors d'amener l'aiguille (ou index) en face de la date du jour, pour lire sur l'heure le bord (limbe) de l'instrument.

On peut résoudre les problèmes analogues à ceux envisagés avec la sphère : heure et azimut du lever ou du coucher du Soleil, durée du jour, orientation selon les points cardinaux…L'alidade à pinnules permettra de plus la résolution de problèmes topographiques comme la mesure de distances inaccessibles, fondées sur le théorème de Thalès.

Enfin, on se doit de citer les usages astrologiques. Il s'agit d'une motivation fondamentale dans le développement de l'astronomie. L'astrolabe, par exemple, donne facilement l'ascendant astrologique, c'est à dire le signe du zodiaque se levant à l'horizon à l'instant de la naissance de la personne. Les planètes, parce qu'elles seraient errantes sur l'araignée des étoiles, n'y figurent pas, mais, avec l'aide d'une table, l'astrologue peut les situer sur l'astrolabe et en connaître ainsi les prétendues influences…

Histoire de l'astrolabe

Riche de près de 20 siècles, l'histoire de l'astrolabe est un exemple remarquable des échanges culturels des portes de l'Inde à celles de l'Atlantique.

L'astrolabe est d'origine grecque. Son principe repose sur le procédé mathématique de la projection stéréographique de la sphère (des étoiles) sur le plan (de l'équateur). Celui-ci est certainement dû à Apollonios de Perge, mathématicien du IIIe siècle av. J.-C., mais c'est le grand astronome Hipparque qui, vers 150 av. J.-C., le perfectionna et l'utilisa en astronomie. A Alexandrie vers 150 ap. J.-C., Ptolémée donne, dans l'Almageste, la description d'un "astrolabon organon" qui correspond, comme nous l'avons vu, à la sphère armillaire. Dans un autre texte de Ptolémée, le Planisphaerium, est décrit un planisphère rotatoire qui est une forme primitive d'astrolabe, sans en posséder toutes les caractéristiques (pas d'élément de visée). La première trace quasi certaine d'un traité de l'astrolabe correspond à celui, au IVème siècle, de Théon d'Alexandrie. L'ouvrage, qui ne nous est pas parvenu, est signalé dans une source arabe du IXème siècle, qui en donne le plan, et par cette notice de la Souda, dictionnaire byzantin du Xe siècle : "Théon [membre] du Musée, égyptien, professeur de philosophie, contemporain de Pappus, lui aussi alexandrin. Ils vivaient tous les deux à l'époque de Théodose l'Ancien [Théodose Ier 379-395]. A écrit des ouvrages de mathématique et d'arithmétique ; Sur les signes et l'observation des oiseaux ; Sur les cris des corbeaux ; Sur le coucher du Chien ; Sur la crue du Nil ; Sur les tables faciles de Ptolémée et un mémoire sur le petit astrolabe."

La première description de l'astrolabe planisphérique qui nous soit parvenue, est celle de Jean Philopon qui vécut à Alexandrie vers 550 ap. J.-C.. Son Traité de l'astrolabe montre qu'au VIe siècle l'instrument est techniquement fixé, et ses principaux usages, du moins astronomiques, définis. Il ne s'agit pas d'un ouvrage théorique (aucune justification mathématique) mais d'un ouvrage pratique assez court (15 brefs chapitres). C'est avec émotion que l'on y voit décrits, au VIe siècle, des gestes techniques qui seront pratiqués à l'identique jusqu'à une époque récente. Voici les grandes lignes de ce traité :

 

JEAN LE GRAMMAIRIEN D'ALEXANDRIE

SUR L'USAGE ET LA CONSTRUCTION DE L'ASTROLABE

ET SUR LES TRACES QU'IL PRESENTE

1. Préambule.

La projection de la surface de la sphère sur l'astrolabe, l'explication des tracés qu'il présente, l'utilisation de cet [instrument] pour tous les divers [domaines] où il est utile, voilà ce que je vais, dans la mesure de mes forces, exposer clairement ; sans doute ce [sujet] a-t-il déjà été traité d'une manière satisfaisante par mon maître, le très philosophe Ammonios, mais il réclame néanmoins davantage d'explication pour pouvoir être saisi même par ceux qui n'ont pas reçu d'instruction dans ce domaine. Aussi ai-je été engagé à faire ce travail par certains de mes amis. En premier lieu, nous allons dire ce qu'est chacun des tracés que présente l'instrument.

[Suivent les chapitres suivants :]

2. Sur les tracés que présente la face sur laquelle se trouve l'alidade[2] et sur ce qu'indique chacun des tracés.

[Il s'agit d'un rapporteur gradué de 0° à 90°, gravé au dos de l'instrument]

3. Sur le tracé des tympans qui figurent les climats : à quoi correspond chacun des tracés et combien de degrés vaut l'obliquité du zodiaque.

[Chaque tympan est spécifique à une latitude, désignée ici par le terme "climat".]

4. Sur les tracés de l'araignée.

5. Sur la visée diurne du soleil et comment la pratiquer méthodiquement.

[En particulier, Philopon indique qu'il s'agit d'une visée indirecte. On n'expose pas l'œil aux rayons du soleil.]

Si donc, pendant le jour, nous voulons déterminer à l'aide de l'instrument l'heure au soleil, nous le suspendons par son anneau de tel sorte que le quart de cercle, qui a été divisé en quatre vingt dix degrés, soit dirigé vers le soleil. […] il faut, comme je le disais, faire tourner doucement en haut et en bas, l'alidade […] jusqu'à ce que, l'alidade se trouvant alignée avec le soleil, le rayon du soleil, après être passé par le trou de la pinnule de l'alidade tourné vers le soleil, en vienne à passer aussi par le trou de l'autre pinnule, celle qui est de notre côté. […] En tout cas, si tu approches ta main du trou qui est de notre côté, tu verras la lumière tomber sur elle[3]. […]

6. Pourquoi les lignes horaires ont-elles été tracées dans la partie [du tympan] qui correspond à l'hémisphère sous terre ? Pour quelle raison commençons-nous de compter ces lignes à partir du couchant ? Comment peut-on déterminer une fraction d'heure ?

[Il s'agit ici des lignes des heures dites "inégales" : 12 heures de nuit, à partir du coucher du soleil jusqu'à son lever, et 12 heures de jour, entre le lever et le coucher du soleil. Ces "heures" ont donc une durée variable selon la saison. C'est pour gagner en lisibilité que ces lignes horaires étaient gravées sous la ligne d'horizon.]

7. Que les quatre centres à la fois son donnés [sur l'instrument] : à savoir l'horoscope, le milieu du ciel et les deux autres qui leur sont diamétralement opposés. […]

[Le mot horoscope désigne ici le signe du zodiaque qui se lève, à l'horizon côté est, à l'instant de l'observation. Il s'agit, dans le cas où l'observation est faite pour l'instant de naissance d'une personne, de son ascendant astrologique.]

8. Sur la visée nocturne des étoiles fixes.

9. Comment savoir si le soleil (ou l'un quelconque des fixes) a été observé avant son passage au méridien, sur le méridien ou après son passage ; comment déterminer, pour chaque degré du zodiaque, la plus grande hauteur atteinte.

[L'astrolabe permet d'obtenir sans calcul, pour une latitude donnée, c'est à dire avec un tympan donné, la hauteur maximale du soleil ou d'un astre au cours de l'année.]

10. Comment trouver combien de temps équatoriaux chaque signe met à se lever ou à ce coucher.

[L'expression "temps équatoriaux" correspond à nos heures "égales" : 24 heures de même durée entre deux passages consécutifs du soleil au méridien.]

11. Comment trouver, de la même façon, combien de temps équatoriaux vaut l'heure temporelle de chaque jour ou de chaque nuit.

[Il s'agit là de convertir les heures inégales, utilisées dans la vie courante, en heures égales, utilisées plutôt par les astronomes.]

12. Comment trouver avec l'instrument la longitude du soleil. Dans le même chapitre : comment déterminer la hauteur maximum du soleil pour chaque jour.

[Il s'agit, à partir de la mesure de la hauteur maximale du soleil (à midi), et connaissant la latitude, de trouver la date du jour (ce qui correspond à la longitude du soleil, c'est à dire sa position sur l'écliptique). Lisons Philopon.]

On peut aussi déterminer la longitude du soleil sans calcul, en utilisant l'instrument de la façon suivante. Il faut déterminer pour ce jour la plus grande hauteur au-dessus de l'horizon qu'atteint le soleil. Ce que nous déterminerons en visant le soleil vers midi. Il est évident qu'il faut le viser à plusieurs reprises, jusqu'à ce que [sa hauteur] n'augmente plus mais que, le maximum ayant été atteint, elle commence à nouveau à diminuer et que le soleil se rapproche de l'horizon. […] ensuite, ayant placé l'araignée elle-même sur le climat où nous nous trouvons pour observer [c'est à dire sur le tympan correspondant à notre latitude] et ayant amené sur le méridien chacun des degrés du quart de cercle que parcourt alors le soleil [c'est à dire que l'on fait tourner la portion du cercle écliptique de l'araignée correspondant à la saison en cours], nous chercherons lequel parmi ces degrés, parvenu au méridien, s'élève d'autant de parallèles qu'on en a trouvé, ce jour-là, le soleil élevé, et nous affirmerons que c'est ce degré là qu'occupe à ce moment le soleil[4]. Cette méthode s'applique à condition que le soleil ne soit pas au voisinage des solstices […].

13. Parmi les degrés du zodiaque, quels sont ceux qui sont sous le même parallèle et qui s'élèvent à la même hauteur ; comment découvrir dans quel quart de cercle du zodiaque se trouve le soleil, lorsqu'il est voisinage des points solsticiaux.

14. Comment trouverons-nous la longitude de chacune des planètes ?

15. Comment trouver de combien chaque degré du zodiaque s'écarte par rapport à l'équateur soit vers le nord soit vers le sud ; de même pour le soleil, la lune ou n'importe laquelle des planètes.

 

 

 

L'astrolabe fut introduit dans le monde islamique au VIIIe siècle, à travers les traductions des textes grecs. Muhammad al-Fazari est considéré comme le premier à avoir confectionné un astrolabe. Il écrivit un ouvrage sur la sphère armillaire et un autre sur l'utilisation de l'astrolabe. Cet instrument connut un très grand succès dès le IXe siècle, où l'on fabriquait déjà de véritables chefs-d'œuvre. Le monde musulman se distingue en effet alors des autres civilisations par ses besoins d'une mesure précise du temps et des phénomènes astronomiques, l'astrolabe permettant, en particulier, de déterminer les heures des prières. Les Arabes en perfectionnèrent le principe pour s'orienter dans le désert ou trouver la direction de La Mecque. Le dos de l'instrument, laissé presque libre dans le traité de Philopon, sera complété par des tables ou des abaques (pour les calculs trigonométriques ou calendaires) et par un "carré des ombres", invention attribuée au grand mathématicien du IXe siècle, Al-Khwarizmi, permettant une utilisation de l'astrolabe à des fins topographiques (mesures de distances inaccessibles…).

Al-Khwarizmi et l'astrolabe

Enfin, l'astrologie fut également une des principales utilisations de l'astrolabe et une des raisons de son développement, comme du développement de l'astronomie. Cette dernière va profiter, selon Ahmed Djebbar, "de l'engouement des hommes de pouvoir pour l'astrologie afin de bénéficier de leur aide financière (pour la construction de grands instruments astronomiques ou d'observatoires) ou bien pour solliciter leur protection contre les courants conservateurs hostiles à l'astronomie et à la philosophie". On attribue au célèbre astrologue Masha'allah (mort en 815) un livre sur les procédés de construction et d'utilisation de l'astrolabe, traduit en latin par Jean de Séville au XIIe siècle. A la différence du traité de Philopon, ce traité décrit non seulement l'utilisation de l'astrolabe, mais aussi son tracé géométrique théorique, ce qui en fait le premier ouvrage complet connu sur le sujet.

Aux Xe et XIe siècles, l'Espagne musulmane fut un important foyer d'études astronomiques et de réalisations d'astrolabes, puis le Maroc et en particulier Marrakech et Fès aux XIIe et XIIIe siècles. Au XIe siècle, le tolèdan az-Zarqali (connu également sous le nom d'Arzachel) réalise le premier astrolabe "universel", dont le tympan ne dépend pas de la latitude. Celui-ci est obtenu par projection stéréographique de pôle le point g  sur le plan du colure des solstices (c'est à dire le cercle mené par les pôles et par les points de l'écliptique correspondant aux solstices). De son traité sur la Safiha az-Zarqaliyya (le terme Safiha, en latin Saphaea, désigne le tympan de l'astrolabe), on connaît plusieurs traductions, dont une version hébraïque par Don Abraham et une version espagnole par Ferrando. Cet astrolabe sera "retrouvé" cinq siècles plus tard par Gemma Frisius sous le nom d'Astrolabe catholique.

Les astrolabes perses ou indiens deviendront par la suite de véritables œuvres d'art, réputés pour leur décoration raffinée.

Le fascinant pouvoir de connaissance, que semble offrir l'astrolabe, explique que dès le Xe siècle, percer ses mystères était un enjeu important pour les occidentaux, au contact en Espagne avec le savoir arabe. C'est ce qui poussa Gerbert d'Aurillac (930-1003), le futur pape Sylvestre II, à se rendre dans les couvents de Catalogne pour consulter les "Astrolabii Sententiae", premier texte latin décrivant l'astrolabe. Si son principe fut ainsi connu dès la fin du Xe siècle, son utilisation ne fut importante qu'à partir du XIIIe siècle. Sur les premiers modèles d'astrolabe importés d'Espagne, des mots latins furent gravés à côté des originaux arabes. C'est ainsi que nombre d'étoiles portent encore, en français, leur nom d'origine arabe (Altaïr, Vega, Deneb) et que l'objet astrolabe, comme les traités décrivant son usage, constituèrent un vecteur de transmission de la terminologie arabe du Ciel et des chiffres arabes (avec les tables astronomiques).

L'astrolabe connut son pic de popularité à la fin du Moyen Age et à la Renaissance. Il était utilisé dans l'université médiévale pour l'enseignement de l'astronomie.

Le XVIe siècle voit aussi la vogue des horloges astrolabiques dont le mécanisme entraîne la rotation de l'araignée, montrant ainsi l'aspect du ciel.

Face à leurs nouveaux besoins de navigation en haute mer, les Portugais, sous l'impulsion de Jean II, développèrent , à la fin du XVe siècle, la navigation astronomique, avec en particulier la mesure de la hauteur d'un astre à l'astrolabe (navigation "hauturière"). On fabriqua des astrolabes spécifiques aux besoins de la navigation, plus simples et plus lourds, pour résister aux vents et aux mouvements du bateau, et qui se fixaient au grand mât.

Aux XVIe et XVIIe siècles, les horloges pouvaient avancer ou retarder d'un quart d'heure par jour. On utilisait alors, pour les régler, soit un cadran solaire, soit un astrolabe. Les progrès réalisés dans la construction des horloges ont été l'une des causes du déclin de l'astrolabe au XVIIIe siècle, dans le monde occidental. L'autre cause est l'introduction de la visée optique. Après que Galilée le premier, a pointé une lunette vers le ciel ("Le Messager des étoiles" – 1610), la visée optique s'imposera. Pour adapter les lunettes, on dut décomposer les anciens instruments, les spécialiser. Ce fut la fin de l'astrolabe. Dans le domaine de la navigation, l'octant, puis le sextant, le remplacèrent également à cette époque.

L'astrolabe était cependant toujours utilisé au début du XXe siècle au Maroc (en particulier à la mosquée Qarawiyine de Fès) pour déterminer le début du ramadan, et ses vertus pédagogiques sont, comme nous le verrons, toujours intactes !

 

Astrolabes visibles à Ecouen : ecouen.htm

 

 

 

 



[1] Les "climats" correspondent approximativement à la notion de latitude terrestre.

[2] Dioptre en grec (alidade est un mot arabe).

[3] C'est ce même geste que répéterons les pilotes portugais dans leurs voyages de découverte au XVe siècle…

[4] C'est plus clair avec un instrument, ou une maquette, en main…