CHAPITRE
SECOND.
Des
cercles dont la Sphère matérielle est composée,
& la
Sphère céleste (laquelle nous imaginons
par le
moyen de celle-ci) est entendue en
être aussi
faite & composée.
Mais aucuns [= certains]
desdits cercles sont grands, & aucuns sont petits, comme on voit
clairement.
Et en la Sphère le plus
grand cercle est dit être celui-là, qui étant décrit sur la superficie de la
Sphère & sur son centre, divise la Sphère en deux parties égales. Mais le
moindre cercle est celui, qui étant décrit en la superficie de la Sphère, il ne
la divise point en deux parties égales, mais en portions inégales. Et quant aux
grands cercles, premièrement il faut dire de l'Equinoxial [= équateur].
Du cercle Equinoxial.
Donc l'équinoxial est un certain cercle, qui divise la
Sphère en deux parties égales, distantes également des deux pôles du monde
selon chacune de ses parties ; & s'appelle équinoxial, pour ce que quand le
Soleil passe sous icelui (ce qui se fait deux fois l'an, c'est à savoir au
commencement d'Aries [= du Bélier], & au commencement de Libra [= la
Balance]) l'équinoxe est en toute la terre universel. Par quoi s'appelle encore
équateur du jour & de la nuit pour ce qu'il fait le jour artificiel égal à
la nuit. Et s'appelle aussi ceinture du premier mouvement. Et par ceci il faut
entendre que le premier mouvement s'appelle mouvement du premier mobile, c'est
à savoir de la neuvième Sphère ou dernier ciel ; qui le fait d'Orient par Midi
en Occident, lequel s'appelle aussi mouvement raisonnable, à la ressemblance du
mouvement de la raison qu'est au premier monde, c'est à savoir en l'homme,
quand de la considération du créateur on vient au créatures, puis on retourne
au créateur, s'arrêtant là. Le second mouvement est du firmament, & des
Planètes, contraire à celui d'Occident par Orient, retournant derechef en
Occident[1]
; lequel mouvement s'appelle irraisonnable ou sensuel, à la ressemblance du
mouvement du petit monde, qui est des choses corruptibles au créateur,
retournant derechef aux choses corruptibles. Il s'appelle donc ceinture du
premier mouvement, pour ce qu'il ceint ou divise le premier mouvement, c'est à
savoir la Sphère neuvième en deux parties égales, & est également distant
des pôles du monde. Sur quoi faut noter que pôle du monde qui nous est toujours
apparent, s'appelle pôle Septentrional, Arctique, ou Boréal. L'on le nomme
Septentrional à cause de Septentrion, c'est à savoir l'ourse mineure, appelée
ainsi, de sept, & trion, qui signifie Bœuf ; car les sept étoiles qui sont
en l'ourse mineure se meuvent tardivement à la manière d'un Bœuf, pour ce que
sont prochaines du pôle ; ou ces sept étoiles s'appellent Septentrionales, pour
ce que par leur mouvement elles usent tellement lesdites parties qu'il semble
qu'elles fassent un chemin battu à l'entour du pôle. Et s'appelle arctique à
raison de ce nom arctos, qui signifie l'ourse. Car il est joignant la grande
Ourse.
ANNOTATION.
Joignant la grande Ourse. Quelques livres ont joignant l'Ourse mineure. Car en ce lieu-ci il semble que notre auteur appelle l'ourse mineure celle qu'on nomme communément l'Ourse majeure. Consultés de ceci Vitruve, Hyginius, Aulugelle, pour voir s'ils en ont quelque chose de plus certain.
Mais il est nommé Boréal
pour ce qu'est en cette partie du monde, de laquelle vient & souffle le
vent nommé Boreas. L'autre pôle qu'est à l'opposite s'appelle Antarctique parce
qu'il est colloqué droit à droit au contraire de l'arctique ; lequel s'appelle
aussi Méridional, pour ce qu'est en la partie du Midi & s'appelle aussi
Austral, pour ce qu'il est au lieu dont vient le vent nommé Australis, c'est à
dire Sud. Dont ces deux points immobiles du firmament s'appellent les pôles du
monde, pour ce qu'ils terminent et font les deux extrémités de l'essieu de la
Sphère, & sur iceux le premier mobile se meut & tourne ; desquels l'un
nous apparaît toujours, & l'autre au contraire nous est toujours caché[2].
De quoi fait mention Virg. Au premier des Géorg.
Hic vertex nobis semper sublimis, at illum
Sub pedibus Styx atra videt, manesque profondi.
C'est à dire quand il est
interprété de mot en mot.
Ce point principal nous est toujours haut élevé, mais l'autre étant sous nos pieds le Styx fleuve noir le voit, & les Dieux infernaux qui sont au profond des abîmes.
Du cercle du Zodiaque.
En la Sphère il y
a un autre cercle qui divise & entrecoupe l'équinoxial, & par icelui
aussi il est divisé en deux parties égales ; l'une de ses moitiés décline vers
Septentrion, & l'autre vers Midi. Ce cercle s'appelle Zodiaque de zoh, qui vaut autant à dire vie ; car selon les
mouvements des Planètes sous icelui, les choses inférieures ont vie[3].
Ou autrement est dit de zwon, qui signifie animal, pour ce qu'il est divisé en douze
parties égales, chacune desquelles est appelée signe, ayant nom spécial de
quelque animal, à cause de quelque propriété convenable, tant à soi que à
l'animal. Ou à cause de la disposition des étoiles fixes en icelle partie,
lesquelles représentent la forme de semblables animaux. Davantage ce cercle
s'appelle en latin Signifer, pour ce qu'il porte les signes, ou pour ce qu'il
est divisé en iceux. Aristote au second livre de la génération et corruption,
l'appelle cercle oblique, & en ce lieu il dit que selon l'approchement
& éloignement du Soleil au cercle oblique, les générations et corruptions
sont faites es choses inférieures. Les noms des signes, l'ordre d'iceux &
le nombre sont connus par ces vers.
Aries, Taurus, Gemini, est un quart,
Cancer, Leo, Virgo est l'autre part,
Libra, Scorpius, et l'arc tenant
Du Bouc, du Verseau, & de Pisces le tard,
Est du Zodiaque l'ordre s'entretenant,
Et de tout temps & saisons le départ.
Chacun de ces signes est
divisé en trente degrés. De quoi s'ensuit, qu'en tout le Zodiaque sont trois
cent soixante degrés. Et derechef selon les Astronomes chacun degré est divisé
en soixante minutes, & chaque minute en soixante secondes, & chaque
seconde en soixante tierces, & ainsi suivant le reste jusqu'à dix. Et en la
manière que le Zodiaque est divisé par l'Astronome, tout ainsi & en parties
semblables tout cercle de la Sphère est divisé ; tant le petit que le grand,
sans y mettre aucune différence. Mais comme ainsi soit qu'en la Sphère tout
cercle excepté le Zodiaque, soit entendu comme une ligne ou circonférence, le
Zodiaque seul est entendu comme superficie, ayant en sa latitude [= largeur]
douze degrés, desquels degrés avons parlé ci-dessus. Par quoi est manifesté,
que aucuns [= certains] mentent en traitant d'Astrologie, quand ils disent que
les signes sont carrés, si n'est que abusant du nom de carré ne fassent aucune
différence ni doute de usurper ledit nom au lieu qu'ils devaient dire carré
longuet [= rectangle]; car le signe a trente degrés de longueur, & douze de
largeur. La ligne qui divise le Zodiaque tout à l'entour, passant par le
milieu, tellement que de l'une partie laisse six degrés & de l'autre partie
autres six, s'appelle la ligne Ecliptique, pour ce que quand le Soleil et la
Lune sont directement sous icelle, advient éclipse de Soleil ou de la Lune ; du
Soleil quand se fait nouvelle Lune, étant ladite Lune posée droitement entre
notre regard et le corps du Soleil[4].
Et l'Eclipse de la Lune ne
se fait quand elle est pleine, lors que le Soleil, est diamétralement opposé à
la Lune ; car l'éclipse de la Lune n'est autre chose, que l'interposition de la
terre entre le corps du Soleil & de la Lune. Le Soleil fait toujours son
cours sous[5]
l'écliptique sans s'égarer ça ni là ; mais toutes les autres planètes déclinent
d'icelle, ou vers le Septentrion, ou vers Midi, & aucunesfois [=
quelquefois] sont sous l'écliptique. La partie du Zodiaque qui décline de
l'équinoxial vers Septentrion, s'appelle septentrionale, boréale, ou arctique ;
& les six signes qui sont du commencement d'Aries jusqu'à la fin de Virgo,
sont dits signes septentrionaux ou boréaux. Et l'autre partie du Zodiaque qui
décline de l'équinoxial vers Midi s'appelle méridionale, australe, ou
antarctique. Et les six signes qui sont du commencement de Libra jusqu'à la fin
de Pisces, s'appellent méridionaux ou austraux. Mais quand on dit que le Soleil
est en Aries ou autre signe, faut entendre que cette proposition, en, se prend
pour sous, selon que nous prenons maintenant le signe. Car en autre
signification signe dénote une pyramide de quatre côtés, la base &
fondement de laquelle est la superficie que nous appelons signe, ayant sa
pointe au centre de la terre. Selon ceci parlant proprement pouvons dire les
planètes être en signe. Tiercement signe est appelé en la manière que s'ensuit,
afin que soient imaginés & entendus six grands cercles passant par les
pôles du Zodiaque & par le commencement des douze signes. Ces six cercles
divisent toute la superficie de la Sphère en douze parties larges au milieu, &
étroites près des pôles du zodiaque & chacune de telles parties s'appelle
signe, & a nom spécial du nom de ce signe, qui est compris entre ces dites
deux lignes, qui sont contiguës et plus prochaines de leurs extrémités. Selon
cette signification, les étoiles qui sont près des pôles hors du zodiaque, on
les dit être es signes.
Déjà donc soit entendu un
corps, le fondement duquel soit le signe, comme nous avons pris signe
dernièrement en la troisième signification, & que la pointe dudit corps
soit sur l'essieu du Zodiaque ; tel corps en la quatrième signification
s'appelle signe ; selon laquelle signification tout le monde est divisé en
douze parties égales, lesquelles s'appellent signes, tellement que tout ce qui
est au monde est en quelque signe.
Des deux Colures.
Il y a encore en
la Sphère deux autres cercles des plus grands, lesquels sont appelés Colures ;
l'office desquels est distinguer & séparer les solstices, & équinoxes.
Colure est dit I. du Grec cwlon, qui signifie membre, & groV qu'est bœuf sauvage. Car comme la queue du bœuf
sauvage élevée fait un demi-cercle & non parfait, ainsi le colure nous
apparaît toujours imparfait. Car seulement la moitié de celui apparaît &
l'autre nous est cachée.
Le colure donc qui distingue
les Solstices, passe par les pôles du monde, par les pôles du zodiaque, &
par les déclinaisons plus grandes du Soleil, c'est à savoir par les premiers
degrés du Cancer & Capricorne[6].
De quoi s'ensuit que le premier point de Cancer, ou ce Colure qui coupe le
zodiaque, est appelé le point du sostice d'Eté, pour ce que quand le Soleil est
en icelui, lors il est le solstice d'Eté, & le Soleil ne se peut plus
approcher du Zénith de notre tête. Zénith[7]
est un point au firmament posé directement au sommet de nos têtes. L'arc du
Colure qu'est compris entre le point du Solstice d'été & l'équinoxial,
s'appelle la plus grande déclinaison du Soleil. Et selon Ptolémée elle est de
vingt & trois degrés, & cinquante minutes ; mais selon Alcmeon[8]
elle est de vingt trois degrés, & trente trois minutes. 2. Semblablement le premier point de Capricorne, ou le
même Colure de l'autre partie divise le zodiaque, s'appelle le point du
solstice d'hiver. Et l'arc de ce colure qui est compris entre ledit premier
point de Capricornus, & l'équinoxial, est appelé l'autre plus grande
déclinaison du Soleil & est égale à la première. Mais l'autre colure passe
par les pôles du monde, & par les premiers points d'Aries & Libra où se
font les deux équinoxes ; à cause de quoi s'appelle colure, distinguant les
équinoxes ; ces deux colures s'entrecoupent sur les pôles du monde en angles
droits sphériques. Or les signes des solstices et des équinoxes sont connus par
les vers suivants.
Solstices sont Cancer et Capricorne,
Dont le Soleil des lointains points retourne,
Entre lesquels les Equinoxes sont ;
Car Aries avec Libra les font.
ANNOTATION.
1 Du Grec […] mais plutôt […] qui signifie mutilé
& privé et […] qui est queue. Parce qu'en l'espace de 24. heures tout le zodiaque
et tout l'équinoxial font leur entière révolution à l'entour de la terre &
peuvent être vus d'un chacun. Mais des colures jamais cette partie ne peut être
vue, qui est comprise dans le cercle Antarctique semblable aux Arctiques que
les Grecs décrivent. Pour cette raison ces cercles quasi ayant perdu une partie
de leur circonférence laquelle pour autant qu'est la plus basse nous l'appelons
queue, nous disons qu'ils nous sont imparfaits mutilés et retranchés d'une de
leurs parties.
ANNOTATION.
2 Aujourd'hui la plus grande déclinaison du Soleil est
de 23. degrés & 30. minutes, la cause de cette variété & changement,
les Astronomes veulent qu'on l'attribue à ce tiers mouvement qu'on a observé
vers l'Octante Sphère vers les pôles du monde[9].
Du Méridien, & Horizon.
Il y a encore
deux autres cercles des plus grands, c'est à savoir le Méridien &
l'Horizon. Méridien est un cercle, qui passe par les pôles du monde, & par
le zénith de notre tête. Et il est nommé Méridien, pourtant qu'en quelque lieu
que l'homme soit, & en quelque temps de l'année, quand le Soleil par le
mouvement du firmament parvient à son Méridien, lors est Midi audit homme. Il
est aussi à noter que deux cités, desquelles l'une est plus orientale que
l'autre, elles ont divers méridiens. Et l'arc de l'équinoxial compris entre
deux méridiens s'appelle la longitude des cités. Et si deux villes ont un même
méridien, lors sont distantes également d'Orient & d'Occident.
Mais l'Horizon est un
cercle, qui divise l'Hémisphère inférieur du supérieur, dont est appelé
Horizon, c'est à dire, terminateur de la vue. Horizon aussi est appelé cercle
de l'Hémisphère pour la même cause. Il y a deux manières d'Horizons, le droit,
& l'oblique ou déclinant & penchant. Ceux qui ont le zénith en
l'équinoxial, ils ont aussi l'Horizon droit, & la Sphère droite, pour ce
que leur Horizon est le cercle qui passe par les pôles du monde, divisant
l'équinoxial en angles droits sphériques, à cause de quoi est dit, Horizon
droit et Sphère droite. Ceux qui ont le pôle du monde élevé sur l'Horizon, ils
ont l'horizon oblique ou déclinant pour ce que leur Horizon coupe & divise
l'équinoxial en angles obliques & inégaux ; à raison de quoi s'appelle
Horizon oblique, & Sphère oblique ou déclinante. Le zénith de notre tête
est toujours le pôle de l'Horizon. De quoi s'ensuit, qu'aussi grande est la
distance du zénith à l'équinoxial, comme l'élévation du pôle du monde sur
l'horizon[10]. Ce qui se
prouve ainsi : En quelque jour naturel[11]
que ce soit les deux colures se joignent deux fois au Méridien tellement qu'ils
sont pris pour le méridien même ; ce qu'est prouvé de l'un est prouvé de
l'autre.
Soit prise donc la quatrième
partie des colures distinguant les solstices, laquelle est depuis l'équinoxial
jusqu'au pôle du monde ; soit pris derechef l'autre quart du même colure,
lequel est depuis le zénith jusqu'à l'horizon, vu que le zénith est le pôle de
l'horizon, ces deux quarts d'autant qu'ils sont quatrièmes d'un même cercle
sont égaux entre eux. Mais si des quantités égales on ôte parties égales ou une
partie à icelles commune, ce qui reste desdites quantités sera égal. Donc si on
ôte l'arc commun, c'est à savoir celui qui est entre le zénith et le pôle du
monde, le demeurant sera égal, c'est à savoir l'élévation du pôle du monde sur
l'horizon, & la distance qui est depuis le zénith jusqu'à l'équinoxial[12].
Des quatre Cercles moindres.
Puisque nous
avons traité assez suffisamment des six plus grands cercles, faut traiter
maintenant des moindres. Il faut donc noter que le Soleil étant au commencement
du premier point de Cancer, ou au point du Solstice de l'été par le ravissement
du firmament 1. décrit un
cercle, lequel est décrit dernier par le Soleil de la partie du pôle Arctique,
dont est appelé cercle du Solstice de l'été par la raison susdite ou tropique
de l'été 2. troph qui est un mot Grec, & signifie conversion ou
retour, pour ce que lors le Soleil commence à retourner vers l'Hémisphère
inférieur, & s'éloigner de nous. Le Soleil étant derechef au premier point
de Capricornus, ou du Solstice d'hiver par le ravissement du firmament décrit
un cercle, lequel est décrit dernier par le Soleil de la partie du pôle
antarctique ; à cause de quoi est appelé cercle du solstice d'hiver, ou
tropique d'hiver, pour ce que lors le Soleil retourne devers nous. Et vu que le
zodiaque décline de l'équinoxial, il faut que tout ainsi le pôle du zodiaque
décline du pôle du monde. Or comme ainsi soit que l'huitième Sphère est émue,
& le zodiaque aussi (qui est partie de l'huitième Sphère) sera ému à
l'entour de l'essieu du monde, & le pôle du zodiaque semblablement sera ému
à l'entour du pôle du monde. Donc ce cercle lequel décrit le pôle du zodiaque à
l'entour du pôle du monde arctique, est appelé cercle arctique, & icelui
cercle, lequel décrit l'autre pôle du zodiaque à l'entour du pôle du monde
antarctique, est appelé cercle antarctique. 3. Et de combien est la plus grande déclinaison du
Soleil, c'est à savoir s'éloigne arrière de l'équinoxial, d'autant grande est
la distance entre le pôle du monde, & le pôle du zodiaque ; ce qui se
démontre et prouve ainsi. Soit pris le Colure distinguant les solstices, qui
passe par les pôles du monde, & par les pôles du zodiaque.
Puisque tous les quarts d'un
même cercle sont égaux, le quart de Colure, qui est depuis l'équinoxial
jusqu'au pôle du monde sera égal au quart du même Colure, lequel est depuis le
premier point de Cancer jusqu'au pôle du zodiaque. Otant donc de ces quarts
égaux, l'arc ou portion commune à tous les deux, qui est du premier point de
Cancer jusqu'au pôle du monde, les restes & demeurants seront égaux, c'est
à savoir la plus grande déclinaison du Soleil, & la distance du pôle du
monde au pôle du zodiaque[13].
Mais vu que le cercle arctique selon chacune de ses parties est distant également
du pôle du monde, il est évident, que celle partie du colure, laquelle est
entre le premier point de Cancer & le Cercle arctique, est presque double à
la plus grande déclinaison du Soleil, ou à l'arc et portion du même colure, qui
est compris entre le cercle arctique & le pôle du monde arctique ; lequel
arc est encore égal à la plus grande déclinaison du Soleil. Car vu que ce
colure, comme les autres cercles de la Sphère, est de trois cent soixante
degrés, son quart sera de nonante degrés. Par quoi puisque la plus grande
déclinaison du Soleil selon Ptolémée est de vingt trois degrés & cinquante
et une minutes, & l'arc (qui est entre le cercle arctique, & le pôle du
monde arctique) a autant de degrés ; si ces deux quantités jointes ensemble
(qui font presque quarante huit degrés) sont soustraites de nonante, le reste
sera quarante deux degrés, d'autant qu'est l'arc du Colure, qui est entre le
premier point de Cancer, & le cercle arctique. Des choses susdites appert
que celui arc est presque double, à la plus grande déclinaison du Soleil.
ANNOTATION.
1 Notre auteur au premier chapitre appelle le
firmament la huitième Sphère ; mais ici il est nécessaire que par le firmament
il signifie et entende la Sphère supérieure qui est le premier mobile, comme il
fait en quelques autres lieux.
ANNOTATION.
2 De troph qui est.)
Cicéron au second livre de la nature de Dieu appelle troph
reversionem, c'est à dire le retour. Parce que le Soleil commence à retourner
d'où il était parti. Et notre auteur nomme le bas hémisphère, la partie
australe ou méridionale du monde ; comme fait Macrobe en son premier livre des
Saturnales.
ANNOTATION.
3 Cette description des cercles arctiques est beaucoup
différente de celle-là que Cleomedes, Proclus, et autres, nous ont baillée et
délaissée.
Des cinq Zones.
L'Equinoxial avec
les quatre moindres cercles sont nommés les cinq parallèles, quasi de pareille
et égale distance ; non pas d'autant que le premier cercle est distant du second,
que telle aussi soit la distance du second au troisième, car cela est faux,
comme a été déclaré ; mais pour ce que deux desdits cercles tels que bon nous
semblera comparer ensemble selon chacune de leurs parties, sont également
distants l'un de l'autre, & s'appellent parallèle équinoxial, parallèle du
solstice d'été, & du solstice d'hiver, parallèle arctique, &
antarctique. Il faut noter aussi, que les quatre parallèles moindres, c'est à
savoir, les deux tropiques, & le parallèle arctique & antarctique
distinguent au ciel cinq zones ou régions. Pour raison de quoi Virgile en
son premier livre des Géorgiques dit,
Quinque tenent coelum zonae ; quarum una corusco
Solerubens, & torrida semper ab igni, &c.
C'est à dire l'interprétant selon la sentence de l'auteur
mot à mot.
Cinq bandes ou ceintures tiennent & enveloppent le ciel
; desquelles une d'une étincelant & flamboyant Soleil est rouge rôtie &
arse [?] du feu &c.
En la terre aussi sont
distinguées autant de régions supposées directement au dessus dites zones. D'où
vient qu'Ovide au premier livre de sa Métamorphose dit ainsi.
Totidemque plagae tellure premuntur.
Quarum quae media est, non est habitabilis aestu,
Nix tegit alta duas, totidem inter utramque locavit,
Temperiemque dedit, mixta cum frigore flamma.
C'est à dire en langage vulgaire :
Tout autant de régions sont comprimées & limitées par la
terre, desquelles celle qui est au milieu, n'est point habitable pour raison de
grande chaleur étouffante. La grande & haute neige en couvre deux, tout
autant il y en a colloqué entre ces deux. Et leur a donné une température, par
la flamme de feu mêlée avec le froid.
Donc icelle zone qui est
entre les deux tropiques, est estimée être inhabitable, à cause de la chaleur
du Soleil, lequel fait toujours son cours & se meut entre les tropiques.
Semblablement la région de la terre qui est directement dessous icelle zone est
estimée être inhabitable, à cause de la chaleur du Soleil, courant &
tournant sur icelle. Mais ces deux zones qui sont tout en tour décrites par le
cercle arctique, & antarctique, à l'entour des pôles du monde, sont
inhabitables, à cause de la trop grande & extrême froidure, pour ce que le
Soleil est fort éloigné d'icelles.
Le même faut entendre des
régions de la terre qui sont directement colloquées & portées sous icelles
zones, desquelles l'une est entre le tropique de l'été, & cercle arctique,
& l'autre qui est entre le tropique de l'hiver & le cercle antarctique,
sont habitables et tempérées, à cause de la chaleur de la zone rôtie &
brûlée, dite torride, qui est entre les tropiques ; & à cause de la
froidure des zones extrêmes & dernières, qui sont à l'entour des pôles du
monde[14].
Entendez le même des régions de la terre qui sont directement posée & mises
sous ces zones ici.
ANNOTATION.
Trogus dit très bien que les Scythes, qui sont gens
Septentrionaux, & étaient en continuel débat et contention avec les
Egyptiens disputant lesquels d'eux étaient les plus anciens & premiers
hommes, ils disaient que nature qui avait distingué & séparé les Régions de
la terre par chaud & froid, elle avait aussi engendré & procréée les
hommes, & autres animaux de telle température qu'ils pouvaient patiemment
et sans fâcherie vivre aux dits lieux qui n'étaient point tempérés. Car les
zones ou ceintures que beaucoup ont estimé être inhabitables par la trop grande
chaleur, ou froideur, on a trouvé & connu par plusieurs et diverses
navigations faites de notre temps[15],
qu'il y avait des hommes & femmes qui vivaient es dites régions. Solinus de
ceci en est auteur, et dit de Juba roi de Numidie contre l'opinion de plusieurs
anciens, en a fait faire l'expérience & la preuve depuis mille cinq cents
ans en ça ; mais Strabon en son second livre nous assure que Polybius fit l'inquisition
de ceci avant ledit Juba ; la température desquelles nos hommes qui sont nés
sous un ciel tempéré & y ont été nourri, à la fin ils ont accoutumé la
souffrir et y vivre comme si c'était leur propre pays. Car combien y a-t-il de
Portugais, en l'Orientale zone & région torride ? Combien aussi
trouvera-t-on de colonies d'autres Espagnols sous la même zone brûlante vers
Occident ? Les zones & régions froides ne nous sont point si bien connues
ni si familières que les chaudes.
Autre figure de la distinction des Zones ; par
laquelle on voit les causes de la division
d'icelles, tant au ciel qu'en la terre[16].
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Sacrobosco
[1] Ceci a été dit au chapitre précédent, mais la répétition a des vertus pédagogiques.
[2] Sacrobosco suppose que l'on n'a pas (ou que l'on ne peut pas) franchir l'équateur.
[3] Allusion à l'influence astrologique des planètes.
[4] Il n'y a bien sûr pas éclipse de Soleil à chaque nouvelle Lune, il faut de plus un alignement des trois corps Soleil, Lune et Terre.
[5] "Sous l'écliptique" et non par "sur" l'écliptique, car l'écliptique est tracé sur la sphère céleste, alors que le parcours du Soleil se fait dans sa propre sphère, sur un cercle excentrique comme cela sera précisé au chapitre 4.
[6] Le colure des solstices est donc un cercle méridien céleste particulier, mené par les points de plus grande déclinaison de l'écliptique.
[7] Sacrobosco ne précise pas que c'est un mot arabe.
[8] al-Ma’mun ‘813 – 833), calife abbasside à Bagdad, a développé et diversifié les activités de la Maison de la Sagesse, institution fondée par son père, le calife Harun ar-Rashid.
[9] Nous avons déjà vu en note au chapitre 1 que la variation de l'obliquité de l'écliptique est due au phénomène de la nutation, correctement analysé au milieu du XVIIIe siècle.
[10] Autrement dit, la latitude du lieu est égale à la hauteur du pôle par rapport à l'horizon.
[11] On distingue le jour « naturel » correspondant à 24 heures (nycthémère entre deux retours du Soleil au méridien du lieu), du jour « artificiel », opposé à la nuit.
[12] Il s'agit là d'une véritable « démonstration », que l'on peut suivre sur le bois gravé, lequel représente une « Sphère oblique ». L'horizon est la partie large qui repose sur les pieds et est représenté à l'horizontale (ça tombe bien). Le cercle que l'on suit est le colure des solstices confondu avec le méridien du lieu. On considère sur ce cercle les 90° qui vont de l'équateur (en position haute à gauche de la gravure) au pôle (marqué d'un petit rond), et les 90° qui vont du zénith (en haut) à l'horizon (à droite). On enlève la partie commune à ces deux quarts de cercles, entre le zénith et le pôle. Reste, à gauche, l'arc de latitude (entre l'équateur et le zénith) et, à droite, la hauteur du pôle au dessus de l'horizon. Ces arcs sont donc de même mesure.
[13] En reprenant les notations de la gravure : on considère les quarts de cercle BA et FL. On retire la partie commune FA. Il reste BF (déclinaison maximale du Soleil) égale AL (distance du pôle du monde à celui de l'écliptique).
[14] Le bois gravé ci-dessus ne représente bien sûr pas une Terre aplatie aux pôles. A voir le tracé du zodiaque, il s'agit d'une "projection" à plat de toute la voûte céleste.
[15] La première édition de cette traduction par Desbordes est parue en 1570.
[16] On remarque sur la gravure que la terre est imprimée à l'envers : il faut la regarder dans un miroir, pour distinguer nettement les contours de l'ancien monde (Europe-Afrique-Asie).