La Sphère de Jean de Sacrobosco
CHAPITRE III

 

CHAPITRE TROISIEME.

Du lever & coucher des Signes, de la diversité

des jours & nuits, & de la division des climats.

 

Le lever & coucher des signes est entendu, & pris de deux manières : c'est à savoir selon les poètes, & selon les Astronomes. Donc le lever & coucher selon l'opinion et les écrits des Poètes, est triple, à savoir Cosmique, Chronique, & Héliaque. Lever Cosmique ou mondain, c'est quand un signe ou une étoile monte sur l'horizon de la partie d'Orient. Et combien qu'en un chacun jour artificiel six signes se lèvent ainsi ; ce néanmoins spécialement celui signe est dit être levé cosmiquement, avec lequel & sous lequel le soleil se lève le matin. Et ce lever s'appelle propre, principal & journel ; de ce lever nous aurons l'exemple au premier des Géorgiques, où il apprend la semaison des fèves & du millet, qui se fait au printemps le Soleil étant au Taureau ; disant ainsi :

Candidus auratis aperit cum cornibus annum

Taurus et adverso cedens Canis occidit Astro.

C'est à dire :

Quand le blanc Taureau avec les cornes dorées ouvre & commence l'an. Et le chien se couche donnant lieu et place à l'astre tourné au contraire.

Le coucher cosmique est dit au regard de l'opposition, c'est à savoir quand le Soleil se lève avec quelque signe, & duquel signe, le signe opposite se couche Cosmiquement. De ce coucher il est ainsi fait mention aux Géorgiques ; où il apprend la semaison du froment à la fin de l'Automne, le Soleil étant au Scorpion, lequel vu qu'il se lève avec le Soleil, le Taureau qui lui est signe opposite, & auquel sont les Pléiades se couche cosmiquement, & dit ainsi :

Ante tibi Eoae Athlantides abscondantur,

Debita quam sulcus commitas semina.

C'est à dire :

Il faut que les Eoes (qui sont les Hyades) Athlantides se cachent de toi, Avant que tu commettes & jette la semence de sur les sillons de la terre.

Le lever Chronique ou temporel est quand le signe ou étoile après le coucher du Soleil, se lève temporellement sur l'horizon de la partie d'Orient ; & s'appelle temporel, pour ce que le temps des Mathématiciens commence au Soleil couchant[1]. De ce lever nous avons par écrit en Ovide au premier livrede Ponto, où il se plaint de la longue demeure qu'il fait en exil disant,

Quatuor Autumnos Pleias facit.

Cela signifie en langage vulgaire,

La Pléiade sortie, & levée sur l'horizon, nous a fait quatre Automnes.

Signifiant par quatre Automnes, que quatre années étaient passées depuis lors qu'il avait été envoyé en exil. Mais Virgile a voulu, & son opinion est les Pléiades se couchent en automne. Donc il semble que ces deux auteurs sont contraires. Mais la raison pour les accorder est telle, selon Virgile les Pléiades se couchent cosmiquement, & selon Ovide elles se lèvent chroniquement, ce qui peut advenir tout à même jour mais différemment ; car le coucher cosmique est au respect du temps matutin, c'est à dire du matin ; & lever chronique est au respect du temps vespertin qui est les vêpres après Soleil couché.

Le coucher chronique est au regard de l'opposition du lever, c'est à dire, c'est le degré où l'étoile opposite de celui ou celle qui se lève chroniquement. Dont Lucain en quatrième livre dit.

Tunc nox Thessalicas urgebat parua sagittas.

C'est à dire en français.

Lors la nuit petite, & courte, contraignent coucher les sagettes Thessaliques ; lesquelles sont mises au lieu, & pour signifier le Sagittaire, ou les étoiles qui au ciel sont prises pour ses sagettes.

Le lever héliaque ou Solaire, c'est quand un signe ou une étoile commence être vu par l'éloignement & grande distance qui est du Soleil à ladite étoile, laquelle ne pourrait être vue auparavant à cause de la proximité du Soleil. Ovide au second livre des Fastes, met un exemple du lever héliaque, comme il s'ensuit.

Iam levis obliqua subsedit Aquarius urna.

C'est à dire,

Déjà le léger Aquarius s'est assis ou mis debout avec sa cruche courbée.

Et Virgile au livre premier des Géorg. dit ainsi

Gnosiaque ardentis decedat stella Coronae.

C'est à dire.

Et l'étoile Gnosia de la Couronne ardente qu'elle soit outre passée & cachée à notre vue. Car ladite étoile nommée Gnosia étant joignant le signe du Scorpion ne peut être vue ce temps pendant que le Soleil est audit Scorpion.

Et le coucher héliaque, c'est quand le Soleil s'approche d'un signe, & ne permet qu'on voit, à cause de sa présence qui rend une plus grande splendeur & clarté, que ne fait le signe. L'exemple de ceci est en un vers dessus mis,

Et adverso cedens Canis occidit astro.

C'est à dire.

Et le chien se couche donnant lieu & place à l'Astre tourné au contraire.

 

ANNOTATION.

 

Jean de Sacrobosco montre en plusieurs lieux qu'il est peu savant de la langue Grecque, comme ici principalement, où il a dit Chronicum pour Achronyco, combien qu'il ne faut faire doute que cela ne soit advenu à cause des livres mal corrigés et pleins de fautes. Ce sont deux mots […] plus grand ou plus haut, et […] nuit, desquels mots est fait et composé le mot […] qui signifie la haute et plus grande nuit, et ce mot […], lequel on lit en Julius Firmicus en son second livre Chapitre 8. considère et voit diligemment si ledit mot est pur Grec & duquel nominatif singulier il provient et est dérivé. En outre en ce lieu il faut que tu t'enquières, à savoir si les Grecs disent plus souvent […], c'est à dire l'orient […], ou arcturus, Pléiades, Aries, & les autres Astres du ciel Achronica. Je suis souvenant d'avoir lu quelqu'un qui appelait cet orient […]. Puis après on pourrait demander si les Astres qui en l'espace d'une nuit se lèvent  & couchent si l'on peut dire qu'ils fassent cela Acroniquement comme notre Auteur a voulu, vu que la signification de Acroniquement semble qu'elle convienne seulement au commencement de la nuit. En dernier lieu, et pour mettre fin à ceci, nous dirons si le Soleil était en Gemini, comment le coucher du Sagittaire ne s'appelle-t-il point plutôt Cosmique, tout ainsi que nous avons vu ci-dessus des Pléiades. Mais à moi certainement il me semble que à grand peine ce qu'en écrit Lucain puisse appartenir à aucun genre de coucher, ainsi que ce qu'il en dit désigne seulement les grandes & petites nuits de l'an. Vu que le Sagittaire entrant obliquement, et étant opposé & contraire de ce signe auquel était lors le Soleil, il semblait que toute la nuit demeurant sur l'horizon fît diligemment et par une grande vitesse son mouvement d'Orient jusqu'en Occident. Ce sont les vers dudit Lucain en son quatrième livre.

Idem cum fortes animos praecepta subissent

Optavere diem, nec segnis mergere ponto

Tunc erat astra Polus, nam Sol Ledaea tenebat

Sydera, vicino cum lux altissima Cancro est ;

Nox tunc Thessalicas urgebat parua Sagittas.

Detegit orta dies stantes in rupibus Istros

Pugnacesque mari, &c.

C'est à dire.

Tout de même quand les préceptes eurent saisis les forts & vaillants, esprits & courage, ils souhaitèrent le jour ; ni aussi ne se devaient point baigner dans la mer le paresseux Pôle qui lors était un astre ; car le Soleil tenait les Ledaeens Signes, quand la plus haute lumière est près de son voisin le Cancre ; Lors la petite nuit contreignait & hâtait les Sagettes Thessaliques de se coucher. Le jour venu & sorti découvrit les Istriens qui étaient tout debout aux rochers. Et étaient gens fort belliqueux & vaillants sur la mer, &c.

 

INSTRUMENT PAR LEQUEL

Toutes diversités du lever Poétique sont mises

& exposées devant nos yeux[2].

 


 


DU LEVER ET COUCHER

Des Signes selon les Astrologues ; ou des

ascensions, & descensions droites, &

obliques des Signes.

 


Il s'ensuit du traité du lever & coucher des signes selon les Astronomes, & premièrement la Sphère droite[3]. Il faut savoir que tant en la Sphère droite, qu'en l'oblique les degrés du cercle équinoxial montent toujours sur l'horizon d'une même forme & manière 1. c'est à dire en temps égaux se lèvent arcs & portions d'icelui égales. Car le mouvement du ciel est uniforme, & l'angle fait par l'équinoxial avec l'horizon oblique ne se varie jamais en aucunes heures 2. Toutefois n'est requis que les parties du zodiaque ayant ascensions égales en l'une & l'autre Sphère ; car d'autant que plus droitement se lève quelque partie du zodiaque, tant plus de temps met & comprend en son lever. La connaissance & vérification de ceci est, que six lignes se lèvent en chacun jour artificiel soit-il long ou bref, semblablement en chaque nuit. Il faut donc noter, que le lever ou coucher de quelque signe, n'est autre chose que le lever ou monter de l'arc & de celle partie de l'équinoxial, laquelle se lève et monte avec le signe lorsque levant, c'est à dire montant sur l'horizon, ou celle partie de l'équinoxial se coucher, laquelle se couche avec le signe lors se couchant, c'est à dire allant en Occident sous l'horizon. On dit un signe droitement se lever, quand avec icelui plus grande partie de l'équinoxial se lève ; mais obliquement quand avec lui moindre partie se lève. Semblablement faut entendre du coucher.

 


ANNOTATION.

 

1. Les degrés du cercle équinoxial montent quinze degrés de l'équinoxial montant sur l'horizon toutes les heures, desquels les 24. constituent [15´24 = 360°] et sont le jour, et selon la commune opinion ; & ce jour est nommé naturel, comme ci-après en sera donné la définition.

 

ANNOTATION.

 

2. Et l'angle fait par l'équinoxial). En la Sphère droite l'équinoxial & l'horizon s'entrecoupent l'un l'autre, à angles égaux, mais en la Sphère oblique, ils s'entrecroisent à angles inégaux dont l'un est obtus & moussu, qui est celui qui est plus grand que l'angle droit outre les 90. degrés (car l'angle droit en comprend autant en la Sphère) lesquels degrés que ledit angle contient, c'est le nombre qui est au cercle méridien depuis l'équinoxial jusqu'au pôle du monde [la latitude], & la hauteur & élévation dudit pôle sur l'horizon. L'autre est angle aigu ou pointu, qui est moindre que le droit, & contient les degrés qui sont restants de 90 après que desdits 90. on a soustrait l'élévation dudit pôle du monde. Car d'autant qu'il décroît, à l'un desdits deux angles outre 90. degrés autant en décroît et tant moins en a l'autre angle. Ces angles de l'équateur & de l'horizon jamais ne changent, comme dit notre auteur, mais le zodiaque et l'horizon ils s'entrecoupent à divers angles, pour raison de l'obliquité dudit zodiaque. Dont il advient que notre dit Auteur a décrit l'inégalité des ascensions des parties dudit zodiaque. Petrus Nonius aussi en a fait mention & les a annotées[4].

 

Il faut savoir qu'en la Sphère droite les quarts du zodiaque qui commencent aux quatre points, c'est à savoir, aux deux solstices, & deux équinoxes sont égaux en leur ascension, c'est à dire, combien de temps le quart du zodiaque consomme en son lever, en tant de temps le quart de l'équinoxial conterminal [qui se termine avec, correspondant] à icelui se lève. Mais les parties de ces quarts varient, & n'ont pas égales ascensions, comme sera déclaré ci-après. Il y a une règle que deux arcs du zodiaque égaux, & distants également de quelque des quatre points susdits ont ascensions égales ; & de ceci s'ensuit 1. que les signes opposés ont ascensions égales.

Et c'est ce que dit Lucain en son neuvième livre parlant du voyage & chemin que tenait Caton en Libye quand il s'acheminait vers l'équinoxial, & dit ainsi.

Non obliqua meant, nec Tauro rectior exit

Scorpius, aut Aries donat sua tempora Librae,

Aut Austrea iubet lentos descendere Pisces,

Par Geminis Chiron, et idem quod Carcinus ardens,

Humidus […] nec plus Leo tellitur Urna.

L'interprétation en français peut être telle.

Ils ne cheminent point obliquement, le Taureau ne sort point plus droit que le Scorpion, ou Aries donne son temps à Libra ou Astrea c'est à dire, Virgo contraint descendre les tardifs & lents Poissons ; Chiron, c'est à dire le Sagittaire est pareil aux Gemini ; & tout de même qu'est Carcinus, c'est à dire le Cancre ardant. Ainsi est l'humide […] c'est à dire, Capricorne ; & le Lion ne s'élève point plus de Urna, c'est à dire, Aquarius.

Ici Lucain dit que à ceux qui sont sous l'équinoxial les signes opposites ont égales ascensions. Mais l'opposition des signes se connaît par ce vers Latin qui s'ensuit.

Est lib. ari scor tau. sa. gemi. cap. ca. a. le. pis. vir.

Lequel vers se peut ainsi expliquer vulgairement :

Libra                                                  Aries

Scorpius                                           Taurus

Sagittarius                                        Gemini

Le signe   {                            }    est opposé à    {

Capricornus                                      Cancer

Aquarius                                           Leo

Pisces                                               Virgo

Il est à noter que cet argument ne vaut rien [ ! ]. Ces deux arcs ou portions de cercle sont égales & commencent à lever ensemble, & toujours plus grande partie est levée de l'un que de l'autre 2. donc celui arc (duquel la plus grande partie était levée) est plutôt levée que l'autre. L'objection & réponse de cet argument est manifeste par les parties desdits quarts. Car si on prend la quarte partie du zodiaque, qu'est depuis le commencement d'Aries jusqu'à la fin de Gemini, toujours se lève, ou monte plus grande partie du quart du zodiaque, que du quart de l'équinoxial conterminal [correspondant] à icelle ; ce néanmoins les deux quarts sont levés aussi tôt l'un que l'autre, tellement que l'élévation de ces deux quarts finit en même instant & moment de temps. Entendez le même du quart du zodiaque, qu'est du commencement de Libra jusqu'à la fin de Sagittarius. Semblablement si on prend le quart du zodiaque, qu'est du commencement de Cancer jusqu'à la fin de Virgo, plus grande partie se lève toujours du quart de l'équinoxial conterminal [correspondant] à icelui ; combien que ces deux quarts finissent leur ascension ensemble. Entendez le même du quart du zodiaque, qu'est du premier point de Capricornus jusqu'à la fin de Pisces.

 

ANNOTATION.

 

1. De ceci s'ensuit). Les signes opposites encore que ne soient point également distants des quatre points principaux, c'est à savoir des deux équinoxes, & des deux solstices, si est ce que avec quelque autre signe lesdits deux signes opposés s'accordent et conviennent. Soient pris pour exemple Aries & Virgo lesquels ont égales ascension, parce qu'ils sont également distants du point solsticial d'été. Virgo même et Libra ont leurs ascensions égales, parce qu'ils sont également distants de l'équinoxe. C'est dont tu peux tirer en conséquence que le commencement d'Aries et le commencement de Libra ont même Orient & même ascension, et qu'en ascension le degré de l'un desdits signes répond au même degré de l'autre ; ce que nous soit au lieu d'une sentence commune ; que deux choses conviennent et s'accordent ensemble lesquelles conviennent à une tierce, et que deux choses sont pareilles & égales entre elles mêmes lesquelles sont pareilles à une tierce. Mais ce que Lucain dit en son neuvième livre de la guerre Pharsalique, Non obliquant meant, &c. je ne vois point assez & ne peux penser que cela signifie , ou qu'est ce qu'il veut dire, car j'ai crainte que Lucain par ce qu'il a écrit, ne veuille signifier qu'en la Sphère droite tous les signes du zodiaque se lèvent et montent sur l'horizon droitement. Mais quels signes se lèvent droitement & quels obliquement sur la Sphère droite, tu l'as ci-après, en la table suivante[5].

 

 

 

 

 

 

degrés

minutes

Obliques

Bélier

Vierge

Balance

Poissons

27.

54.

Obliques

Taureau

Lion

Scorpion

Verseau

29.

55.

Droits

Gémeaux

Cancer

Sagittaire

Capricorne

32.

11.

 


 


En outre & pour autant que les nombres des degrés qui sont en cette table sont degrés de l'équinoxial, et qu'il est certain que les 15. degrés de l'équinoxial se lèvent sur l'horizon en l'espace d'une heure, de ceci nous pouvons facilement connaître, & dire en combien de temps un chacun signe se lève et monte sur l'horizon droit.

 

ANNOTATION.

 

2. Et toujours plus grande partie). Se lève, se prend ici pour il semble qu'elle soit levée, comme il a dit au premier Chapitre quand il montrait que la terre était le centre, et six signes se lèvent et couchent. Mais si la partie première d'un quart du zodiaque sort plus hâtivement, la dernière partie sortira et montera plus tardivement, & au contraire, dont il provient compensation et récompense d'un à l'autre.

 


 


En la Sphère oblique ou décline, les deux moitiés du zodiaque, sont pareilles & égales en leurs ascensions. Les moitiés d'ici, lesquelles se prennent des deux points équinoxiaux : car la moitié du zodiaque, qui est du commencement d'Aries jusqu'à la fin de Virgo, se lève avec sa moitié conterminale [correspondante] de l'équinoxial.

 


 


Semblablement l'autre moitié du zodiaque monte avec l'autre moitié de l'équinoxial 3. Et les parties de ces moitiés se varient selon leur ascension ; car en celle moitié du zodiaque, laquelle est depuis le commencement de Aries, jusqu'à la fin de Virgo, se lève toujours plus grande partie du zodiaque ; que de l'équinoxial ; ce néanmoins icelles moitiés parachèvent leur ascension ensemble, & l'une ne se lève point plus tôt que l'autre.

 


 


Le contraire advient en l'autre moitié du zodiaque qui est du commencement de Libra jusqu'à la fin de Pisces, car toujours monte plus grande partie de l'équinoxial, que du zodiaque ; mais en même instant ces deux moitiés sont levées ensemble. Par quoi l'objection & réponse faite apparaît plus manifeste contre l'argument dessus dit.

Mais les arcs qui succèdent & sont depuis Aries jusqu'à la fin de Virgo, en la Sphère oblique, ont leurs ascensions moindres, que les ascensions des mêmes arcs en la Sphère droite ; pour que moins de l'équinoxial monte avec icelle 4. Et les arcs et parties du zodiaque qui succèdent depuis Libra jusqu'à la fin de Pisces, en la Sphère oblique, ont plus grandes leurs ascensions que les ascensions des mêmes arcs en la Sphère droite, pour ce que plus de l'équinoxial monte avec icelles parties dudit zodiaque. Je dis qu'ils augmentent leurs ascensions, selon la quantité seulement, de laquelle les arcs qui succèdent à Aries les diminuent. De ceci est manifeste & concluons que deux arcs égaux & supposés en la Sphère oblique, ont leurs ascensions conjointes égales aux ascensions des mêmes arcs en la Sphère droite ensemble prises, car d'autant qu'est grande la diminution de l'une partie, d'autant est grand l'accroissement de l'autre. Car combien que les arcs soient inégaux entre eux, toutefois de tant que l'un est moindre, autant & gagne & recouvre l'autre, & ainsi appert & est manifeste l'égalité. Mais il y a une règle, qu'en la Sphère oblique c'est à savoir, deux arcs égaux du zodiaque, quels qu'ils soient, & distants également de l'un et l'autre point de l'équinoxial, ont ascensions égales.

Des choses devant dites, il est clair & évident, que les jours naturels ne se font point égaux. Car le jour naturel est la révolution de l'équinoxial une fois faite tout autour de la terre, avec celle portion du même équinoxial, qui répond à la partie du zodiaque, que le Soleil cependant a fait par son propre mouvement, au contraire celui du firmament[6]. Mais puisque les ascensions de ces arcs sont inégales, comme est manifeste par ce qu'a été dit, tant en la Sphère droite, qu'en l'oblique, & selon les additions des ascensions les jours naturels sont considérés, ces jours seront nécessairement inégaux.

 


 


En la Sphère droite pour une seule cause, c'est à savoir pour l'obliquité du zodiaque, mais en la Sphère oblique pour deux raisons, c'est à savoir pour l'obliquité du zodiaque, & pour l'obliquité de l'horizon oblique. Aucuns [= d'aucuns] ajoutent la troisième cause, c'est l'excentricité du Soleil 5. Il est à noter que le Soleil tendant & montant du premier point de Capricornus par Aries jusqu'au premier point de Cancer, par le ravissement du firmament décrit cent octante deux parallèles [364/2] s'ils ne sont parfaitement cercles, mais spires (qui font les tours qu'une corde fait quand elle est entournée à l'environ d'un bâton rond) toutefois puisqu'en ceci n'y a erreur sensible ne faut point faire difficulté en cet endroit, s'ils doivent être appelés cercles ou non ; du nombre d'iceux cercles sont les deux tropiques, & l'équinoxial.

 


 


Davantage le Soleil décrit lesdits cercles par le ravissement & attraction du firmament descendant du premier point de Cancer par Libra jusqu'au premier point de Capricornus. Et ces cercles s'appellent cercles des jours naturels. Et les arcs qui sont sur l'horizon, sont arcs des jours artificiels. Mais les arcs qui sont sous l'horizon, sont les arcs des nuits artificielles[7].

9. Donc en la Sphère droite, vu que l'horizon d'icelle passe par les pôles du monde divise tous ces cercles en parties égales.

 


 


Par quoi aussi grands sont les arcs des jours que les arcs des nuits, à ceux qui habitent sous l'équinoxial[8]. Il est donc manifeste qu'à ceux qui sont sous l'équinoxial (en quelque partie du firmament que le Soleil soit) est toujours équinoxe[9].

Mais en la sphère oblique l'horizon oblique divise seulement l'équinoxial en deux parties égales. Par quoi quand le Soleil est en l'un, ou en l'autre des points équinoxiaux, lors l'arc du jour se fait égal à l'arc de la nuit, & est équinoxe sur l'universelle terre. Mais l'horizon oblique qui divise en parties inégales tous les autres cercles tellement qu'en tous les cercles qui sont depuis l'équinoxial jusqu'au tropique de Cancer, & au même Tropique de Cancer, l'arc du jour est plus grand que celui de la nuit; c'est à dire l'arc qui est sur l'horizon est plus grand que celui qui est dessous l'horizon.

 


 


Donc en tout le temps que le Soleil se meut du commencement d'Aries par Cancer, jusqu'à la fin de Virgo, les jours prennent accroissement par dessus les nuits, & d'autant que le Soleil s'approche de Cancer, d'autant le jour s'augmente davantage ; & tant plus que le Soleil s'éloigne dudit Cancer, d'autant le jour se diminue. 6. Tout au contraire se porte le jour avec la nuit, quand le Soleil est es signes Austraux. En tous les autres cercles, lesquels le Soleil décrit entre l'équinoxial, & le tropique de Capricornus, l'arc est plus grand sous l'horizon, & moindre dessus. Dont il advient que l'arc du jour est moindre que l'arc de la nuit, & selon la proportion des arcs, les jours sont faits moindres au dessous de leurs nuits ; & d'autant que les cercles sont plus prochains du tropique d'hiver, tant plus les jours s'amoindrissent [annotation 7.]. Dont il semble que si on prend deux cercles distants également de l'équinoxial, & continués en diverses parties, d'autant qu'est grand l'arc du jour en l'un, autant l'arc de la nuit est augmenté en l'autre. De ceci semble qu'il s'ensuive, que si on prend deux jours naturels de l'an, éloignés également de l'un ou l'autre des équinoxes en partie opposites, aussi grand est le jour artificiel de l'un, qu'est la nuit de l'autre, & au contraire ; mais ceci doit être entendu selon l'opinion & avis du vulgaire, jugeant de la situation de quelque certain horizon[10]. Car la raison juge plus vraiment, par la privation du mouvement du Soleil contre le firmament, en l'obliquité du zodiaque. D'autant que tant plus le pôle du monde est élevé sur l'horizon, tant plus sont grands les jours de l'été, quand le Soleil est aux signes Septentrionaux ; mais le contraire advient quand est es signes Austraux ; car lors les jours sont moindres, que les nuits 8. Encore faut noter, qu'es six signes qui sont depuis le commencement de Cancer par Libra, Jusqu'à la fin de Sagittarius, ont leur ascension ensemble conjointes en la Sphère oblique plus grandes que les ascensions des autres six signes, lesquels sont du Commencement de Capricornus par Aries jusqu'à la fin de Gemini. Par quoi ces signes devant nommés sont dits se lever droitement, & les autres six obliquement. Dont il y a des vers en Latin tels qui s'ensuit.

Recta meant, obliqua cadunt a sidere Cancri,

Donec finitur Chiron sed caetera signa

Nascuntur prono, descendunt tramite recto.

C'est à dire.

Ils cheminent & montent droit, descendent & tombent obliquement depuis le signe de Cancer, jusqu'à ce que le Sagittaire est parvenu à la fin, mais les autres signes naissent & montent obliquement, descendent par une voie droite.

Et quand nous avons le plus grand jour de l'été, c'est à savoir le Soleil étant au commencement de Cancer, lors s'élèvent du jour six signes, qui se lèvent droitement, & de nuit six signes obliquement. Et au contraire quand nous avons le moindre jour de l'an c'est à savoir, étant le Soleil au commencement de Capricornus, alors six signes se lèvent de jour obliquement, & les autres six de nuit droitement.

 


 


Mais quand le Soleil est en l'un ou en l'autre des points équinoxiaux lors de jour se lèvent trois signes droits, & trois obliques, & de nuit semblablement ; car il y a une règle que soit le jour, ou la nuit tant brève ou longue qu'on voudra, six signes se lèvent de jour & autres six de nuit. Tellement que pour la prolixité ou brièveté du jour, ou de la nuit ne se lèvent point plus ou moins de signes. Des choses susdites on recollige [recolle ?] & apprend que puisque l'heure naturelle[11] n'est autre chose que l'espace du temps, auquel se lève la moitié d'un signe du zodiaque ; en quelque jour artificiel que ce soit, en la nuit aussi semblablement y a douze heures naturelles. Mais en tous les autres cercles qui sont à côté de l'équinoxial, soit de la partie Australe ou Septentrionale, les jours ou les nuits croissent, ou s'abrègent selon que plus ou moins de signes se levant droitement ou obliquement, de jour, ou de nuit, montent sur l'horizon 9.

 

ANNOTATION.

 

3. Dans les commentaires de Jacques Faber tu trouveras cette table faite pour les Ascensions des signes du zodiaque, là où la latitude du lieu est 48. degrés.

 

 

 

degrés

minutes

 

Bélier

Poissons

14

50

Obliques

Taureau

Verseau

18

51

Obliques

Gémeaux

Capricorne

27

26

Obliques

Cancer

Sagittaire

36

58

Droits

Lion

Scorpion

40

57

Droits

Vierge

Balance

40

58

Droits

 


 


ANNOTATION.

 

4. Mais les arcs qui succèdent). Si ces arcs commencent de ce même premier point d'Aries, autrement ceci pourrait être faux, comme tu pourras plus amplement connaître , par la collation & conférence des ascensions d'un chacun signe, prises & extraites des tables tant de la Sphère droite que oblique.

 

ANNOTATION.

 

5. Pline en son second livre nous baille une seule cause de l'inégalité des jours, l'obliquité du zodiaque ; Ptolémée à la fin du troisième livre de la grande construction, il nous propose deux causes, l'une est la même obliquité du zodiaque, l'autre est l'excentricité de l'orbe et Sphère, où est situé le corps du Soleil. Mais notre auteur y ajoute la troisième cause, qui est l'obliquité de l'horizon ; laquelle néanmoins Baptista Capuanus démontre qu'elle seule n'a aucun pouvoir, mais que seulement elle est aidée de l'obliquité dudit zodiaque. De l'excentricité de l'orbe et Sphère ou le corps du Soleil réside, au Chapitre quatrième il en traite assez. Et puisqu'il est tenu pour certain qu'en celui orbe, le Soleil se meut et fait son tour également [uniformément], & par ainsi inégalement sous le zodiaque qui est concentrique au monde, tellement qu'en égaux espaces de temps, il court sous inégales parties du cercle de l'écliptique, et de l'entière révolution de l'équinoxial à l'environ de la terre, lesdits jours naturels sont faits & composés.

 

ANNOTATION.

 

6. Cette appellation et définition de jour naturel & artificiel j'ai toujours cru qu'elle était nouvelle et barbare, quel qu'il soit celui qui premier l'a mise en avant & nous l'a laissée par écrit. Si ces hommes eussent vu et lu un peu plus diligemment les livres de Pline, de Gellius, de Macrobe, Censorin, et de plusieurs autres vieux & anciens Latins, ils eussent trouvé de fort propres vocables latins, pour spécifier et déclarer leurs jours. Nous mettons et déclarons ici les propres paroles ou semblables à celles desquelles use Censorin, et ce pour gratifier à ceux qui n'ont pas toujours grande quantité & multitude de livres. Il reste à parler un peu du jour, lequel tout ainsi que le mois, ou l'an, en partie il est naturel et en partie il est civil. Le jour naturel c'est le temps depuis Soleil levant jusque à Soleil couchant, duquel le temps contraire c'est la nuit, qui commence de Soleil couchant, jusque à Soleil levant. Mais le jour civil se nomme le temps, qui est fait et décrit d'une révolution entière du Ciel, par laquelle le vrai jour & la vraie nuit est contenu et compris, comme quand nous disons que quelqu'un a seulement vécu trente jours. C'est ce qu'il dit au livre du jour de la Nativité. Mais les Grecs auxquels nic signifie nuit, hmera signifie jour, tout ainsi usurpent ils leur hemera comme font les Latins leurs dies, & les Français le jour. Et quand ils veulent plus certainement désigner et spécifier le jour, lequel Censorin nous nomme par écrit civil, ils disent jour et nuit, comme même les Latins quelquefois, lesquels tout ainsi qu'ils usurpent les noms simples de la chose, ainsi usent-ils du nom composé en disant nicqhmer comme si tu disais en Latin noctidium, et en français nuit-jour. Ce verbe nychthemeri, je l'avais lu plutôt en la seconde épître de Saint Paul aux Corinthiens qu'en la grande construction de Ptolémée.

 

ANNOTATION.

 

7. Il faut entendre ceci de la partie Septentrionale, vu que la raison et la doctrine de la partie Méridionale est totalement contraire, comme on connait par le contexte, ladite annotation en faveur de ceux qui sont curieux de bien et proprement parler dispute & discours du mot Latin maiorantur duquel use notre auteur ; mais nous avons estimé être chose frivole de traduire ce que ladite annotation contient, parce que nous parlons Français, et ne nous soucions ni nous chaut des mots Latins, si n'est pour décrire proprement leur signification en langue vulgaire.

 

ANNOTATION.

 

8. Car la raison juge plus vraiment par la privation du mouvement. En Latin il y a ratio enim per ademptionem, je m'émerveille comment ce mot ademptionem, peut signifier le propre mouvement du Soleil, lequel comme il se trouve inégal sous le zodiaque, aussi les temps durant lesquels il se meut sont inégaux, combien que l'horizon stable et immobile d'un chacun lieu coupe tous ces parallèles du Soleil, comme a été dit ci-dessus. Je croirais plutôt que notre Auteur au lieu de ademptionem eût écrit, per adeptionem solis, qui vient d'un verbe Latin Adipiscor, et signifierait usurpation & l'interpréterions ainsi : Car la raison juge plus vraiment par l'usurpation que le Soleil fait en l'obliquité du zodiaque contre le mouvement du firmament.

 

ANNOTATION.

 

9. Il est tant notoire qu'il n'est besoin que je le prouve davantage, que les horloges[12] des Anciens divisaient le jour & la nuit artificiels en douze parties égales. De ce jour Sacroboscus écrivant la définition & de la nuit aussi, il a dit que c'était le temps que le Soleil commençait à [se] montrer sur la superficie horizontale vers Orient, jusque à ce qu'il s'émoussât & cachât sous ledit horizon en la partie Occidentale ; et la nuit artificielle dure depuis Soleil couchant jusque au levant. Une chacune partie des 12. dudit jour & nuit artificiels, les Grecs & Latins l'ont aussi nommée heure. Et pourtant que ces jours et ces nuits sont inégaux (car les jours de l'été sont plus longs que de l'hiver, & au contraire les nuits de l'été plus brèves et courtes que celles de l'hiver) leurs douze heures aussi sont inégales l'une à l'autre, et non seulement l'heure du jour d'été est plus grande que celle du jour d'hiver, et semblablement celle qui est de la nuit d'hiver à celle qui est de la nuit d'été mais aussi l'heure du jour d'été est plus grande que n'est l'heure de la nuit, comme même l'heure de la nuit d'hiver est plus grande que celle de son jour. Je ne suis souvenant d'avoir lu, si les anciens Grecs ou Latins ont distingué ce genre d'heure de quelque propre vocable, lesquelles je m'ébahi comment notre Auteur les a ici appelées naturelles, puisque premièrement il a nommé leur jour & nuit artificiel au lieu de dire naturel. Il y a une autre sorte de genre d'heures que Pline et les autres Latins ont nommées équinoxiales et les Grecs […]. Cette manière d'heures sont égales entre elles, & telles que nos horloges en font douze depuis midi & jusque à minuit, et derechef autres douze heures depuis minuit et jusque à midi ensuivant ; je dis que ces heures si elles sont d'été elles sont toujours égales à celles d'hiver, & celles aussi qui sont heures de nuit sont aussi égales aux heures de jour, tout ainsi que les jours naturels ci-devant définis sont entre eux mêmes égaux, mais lesdites heures ont pris leur nom de l'équinoxial, parce que quand les Anciens faisaient douze heures à un chacun jour, et à une chacune nuit (comme nous avons dit) jamais on ne trouvait égalité entre ces heures, sinon au temps qu'il était l'équinoxe, c'est à dire quand les jours et les nuits étaient égaux. Car lors l'heure de la nuit était égale à l'heure du jour. Je ne vois & si ne peux considérer pourquoi aucuns grands & excellents Mathématiciens de notre temps cherchent & mènent de plus loin autre raison de l'appellation des heures équinoxiales.

 

DE LA DIVERSITE DES

jours & des nuits artificiels qui est par

tous les lieux de la terre.

Mais il faut noter qu'à ceux desquels le zénith est au cercle équinoxial, le Soleil passe deux fois l'an par leur zénith, c'est à savoir quand est au commencement d'Aries & au commencement de Libra, & alors ils ont deux hauts solstices, pour ce que le Soleil passe directement sur leurs têtes. Ils ont derechef deux bas solstices, quand le Soleil est aux premiers points de Cancer & Capricornus, & s'appellent bas, pour ce que lors le Soleil est grandement éloigné du zénith de leur tête. Par quoi des choses précédentes est manifeste, que vu qu'ils ont toujours l'équinoxe, ils auront par an quatre solstices, deux hauts, & deux bas. Il appert aussi qu'ils ont deux étés, c'est à savoir quand le Soleil est en l'un ou en l'autre des points équinoxiaux, ou bien près d'iceux. Ils ont aussi deux hivers, c'est à savoir quand le Soleil est au premiers points de Cancer & Capricornus, ou près d'iceux. Et c'est ce que dit Alfragan, que notre été & hiver sont à eux d'une même complexion ; car les deux temps qui sont à nous hiver & été, sont à eux deux hivers. Dont par ces choses devant dites apparaît l'exposition des vers de Lucain,

Deprensum est hunc esse locum, quo circulis alti

Sosticii medium signorum percutit orbem. C'est à dire,

Il a été aperçu celui-ci être le lieu, auquel le solstice haut, touche le cercle des signes par le milieu ; car en ce lieu là, Lucain appelle l'équinoxial, le cercle du haut solstice au livre 9. auquel adviennent deux hauts solstices à ceux qui sont sous l'équinoxial. Et nomme le Zodiaque, le cercle des signes, lequel en Latin est dit medium id est mediatum, qui signifie divisé en deux moitiés, touche l'équinoxial, c'est à dire, le divise. Il advient aussi à ceux là qu'ils ont part en quatre ombres. Car étant le Soleil en l'un ou l'autre des points équinoxiaux, lors au matin leur ombre est jetée vers Occident, & le soir au contraire ; mais à midi ils ont l'ombre perpendiculaire, le Soleil étant sur leur tête. Et quand le Soleil est es signes Septentrionaux, leur ombre est jetée lors vers le vent d'Auster, c'est à dire vers Midi ; & quand est aux signes Austraux, lors se jette vers Septentrion. Mais à ceux-là se lèvent & couchent les étoiles qui sont près des pôles, comme à aucuns qui habitent environ l'équinoxial ; et de là vient que Lucain dit ainsi au livre troisième :

Tunc furor extremos meuvit Romanus Orestas

Carnianosque duces : quorum iam flexus in Austrum

Aether, non totam mergitamen ascipit Arcton,

Lucet & exigua velox ubi nocte Bootes.

C'est à dire.

Lors la fureur Romaine émeut les Orestiens constitués au plus loin & dernier lieu, Avec les Carmaniens capitaines desquels est ia courbé vers Auster le ciel, mais il ne regarde pas toute l'Ourse plonger en l'eau, Et où Bootes diligent & natif luit en la petite nuit ; ou bien peu la nuit. Donc se plonge en l'eau & luit bien peu la nuit.

Aussi Ovide parlant de la même étoile dit ainsi en son premier livre de tristibus, Elegia 3.

Tingitur Oceano custos Eritmanthidos Ursae,

Aequoreasque suo sydere turbat aquas.

C'est à dire,

Erithmantide gardeur de l'Ourse il est arrosé & teint de l'Océan ; Et de son signe il trouble les eaux de la mer. Mais en la situation de notre lieu jamais ces étoiles ne se couchent.

Pour raison de quoi Virgile a écrit en son premier livre des Géorgiques.

Hic vertex nobis semper sublimis ; at illum

Sub pedibus Styx atra videt, manesque profondi.

C'est à dire.

Ce point principal nous est toujours haut esseulé, mais l'autre étant sous nos pieds, le fleuve noir Styx le voit & les Dieux infernaux.

Lucain aussi en son 8. livre use d'un tel propos.

Axis inoccidum gemina clarissimus Arcte.

C'est à dire.

L'essieu qui ne se cache point sous l'horizon, il est fort clair & luisant, par le moyen des deux Ourses.

Outre plus Virgile en ses Géorgiques dit ainsi.

Aretos Oceani metuentes aequore tingi.

Cela signifie.

Les Ourses craignant être mouillées de la mer de l'Océan.

 


 


Mais à ceux desquels le Zénith est entre l'équinoxial & le tropique du Cancer, advient que le Soleil passe deux fois l'an par le zénith de leur tête, ce qu'appert ainsi. Qu'on conçoive et figure en l'esprit un cercle parallèle ou d'égale distance à l'équinoxial, passant par le zénith de leur tête ; ce cercle divisera le zodiaque en deux lieux distants également du commencement de Cancer. Le Soleil donc étant en ces deux points passe par le zénith de leur tête, par quoi ont deux étés, & deux hivers, quatre solstices & quatre ombres, comme ceux qui sont sous l'équinoxial. Aucuns [= d'aucuns] disent Arabie être en telle situation. Dont Lucain parlant des Arabes qui vinrent à Rome au secours de Pompée, dit ainsi au livre 5.

Ignotum vobis, Arabes, venistis in orbem,

Umbras mirati nemorum non ire sinistras. C'est à dire.

Oh Arabes vous êtes venus à un monde qui vous est inconnu, puisque vous [vous] émerveillez que les ombres des bois ne vont à senestre. Car en leur pays ils avaient aucunes fois [= quelquefois] l'ombre du côté dextre, aucunes fois du senestre, d'autres fois perpendiculaire, autres fois Orientale, autre fois Occidentale ; mais quand ils furent venus à Rome & qu'ils étaient deçà le tropique du Cancer, alors avaient toujours l'ombre septentrionale 1. Davantage il advient à ceux qui ont le zénith au tropique du Cancer, que le Soleil passe une fois l'an par le zénith de leur tête ;

 


 


c'est à savoir, quand est au premier point de Cancer ; & lors en une heure d'un seul jour pour tout l'an, ils ont l'ombre perpendiculaire, & par ainsi sous la plante des pieds en telle situation on dit que la ville de Syène[13]  ; sur quoi Lucain au second livre dit ainsi,

Umbras nusquam flectente Syene.

Cela signifie, Syène ne jette l'ombre vers aucun lieu. Mais ceci se doit entendre au Midi, c'est à savoir d'un seul jour, l'ombre duquel le matin se jette vers Occident, & le soir vers Orient, & tout le reste de l'année ils ont l'ombre Septentrionale. Et à ceux desquels le zénith est entre le tropique du Cancer et le cercle arctique, advient que le Soleil ne passe jamais par le zénith de leur tête, & leur ombre est jetée toujours vers Septentrion ; tel est le lieu de notre situation & demeure. Il faut aussi noter que l'Ethiopie, ou quelque partie d'icelle, est deçà le tropique du Cancer, sur quoi Lucain dit ainsi en son troisième livre :

Aethiopumque solum, quod non premeretur ab ulla

Signiferi regione poli, ni poplite lapso

Ultima curuati procederet ungula Tauri. C'est à dire.

Parce que la terre d'Ethiopie ne serait pressée d'aucune région ou partie du zodiaque, sinon que le bout de l'ongle du Taureau courbé, ayant la jambe étendue procédât en avant. Et aucuns disent que le signe se prend là par équivoque, pour la douzième partie du zodiaque, & pour la forme de l'animal ; par ce que selon la plus grande partie il est au signe, auquel il donne le nom. Donc il advient que, encore que Taurus soit au zodiaque selon sa plus grande partie, ce néanmoins il entend son pied delà le tropique du Cancer ; et en cette sorte presse l'Ethiopie, combien qu'aucune partie du zodiaque ne la presse point ; car si le pied de Taurus duquel parle l'auteur, s'étend vers l'équinoxial, tellement qu'il fut directement à l'endroit d'Aries, ou d'autre signe ; lors l'Ethiopie serait pressée d'Aries ou de Virgo, ou d'autre signe ; ce qu'appert par le cercle parallèle à l'équinoxial, tiré à l'entour par le zénith de la tête desdits Ethiopiens, & par Aries, & Virgo, ou autres signes. Mais combien que la raison Physique ou naturelle soit contraire à ceci (car ils ne seraient pas si noirs, s'ils naissaient en région tempérée & habitable) il faut dire que cette partie de l'Ethiopie dont parle Lucain, est sous le cercle équinoxial ; & que le pied de Taurus, duquel il fait mention s'étend vers l'équinoxial. Mais distinction est faite lors entre signes principaux, & régions ; car les signes principaux sont deux signes, au commencement desquels sont faits les solstices, & les deux auxquels adviennent les équinoxes. Mais les régions sont appelées les signes, qui sont entre les principaux ; & selon ceci est évident, que vu que Ethiopie est sous l'équinoxial, elle n'est pressée d'aucune région, mais seulement de deux signes principaux, c'est à savoir d'Aries & de Libra.

2. Mais à ceux desquels le zénith est au cercle arctique, advient chacun jour & temps de l'année que le zénith de leur tête est fait un même point, & est conjoint quelquefois avec le pôle du zodiaque, & ils ont lors le zodiaque ou écliptique pour l'horizon. Et c'est ce que dit Alphragan, qu'en ce lieu là le cercle du zodiaque se fléchit & couche sur le cercle de l'hémisphère ; c'est à dire sur l'horizon.

 


 


Mais puisque le firmament est ému continuellement, le cercle de l'horizon divisera le zodiaque en un instant, & vu qu'ils sont des plus grands cercles de la sphère ils s'entrecroiseront en parties égales. Dont une moitié du zodiaque se lève incontinent sur l'horizon, & l'autre se cache subitement sous l'horizon. Et c'est ce que dit Alphragan, que là se couchent incontinent six signes, & les autres six se lèvent avec tout l'équinoxial. Et d'autant que l'écliptique est leur horizon, tout le tropique de Cancer sera sur l'horizon, & tout le tropique de Capricornus, sous l'horizon ; tellement que le Soleil étant au premier point de Cancer en ce lieu là il sera un jour de vingt & quatre heures, & la nuit quasi d'un instant ou moment ; car le Soleil passe en un instant l'horizon, & incontinent se lève, & cet instant est à eux pour nuit. Le contraire leur advient, quand le Soleil est au premier point de Capricornus ; car alors ils ont la nuit de vingt quatre heures, & quasi un instant, & moment de temps leur sert d'un jour[14].

 


 


En outre à ceux le zénith desquels est entre le cercle arctique, & le pole arctique du monde, advient que leur horizon divise le zodiaque en deux points distants également du commencement de Cancer, & en la révolution du firmament advient, que celle portion du zodiaque qui est divisée en deux points par l'horizon, elle est comprise, demeurant & étant délaissée toujours apparente sur icelui horizon. Par quoi est manifeste que ce pendant que le Soleil est en celle portion comprise sur l'horizon, sera un jour continuel sans nuit. Donc si celle portion est de la quantité d'un signe, en ce lieu là sera un jour continuel durant l'espace d'un mois, sans nuit. S'il est de la quantité de deux signes, le jour durera deux mois sans nuit & ainsi après successivement jusqu'à six mois. Semblablement advient à eux mêmes, que la proportion du zodiaque comprise par ces deux points distants également du commencement de Capricornus demeure toujours sous l'horizon. Par quoi quand le Soleil est en celle portion comprise sous l'horizon sera une nuit continuelle sans jour, brève ou longue selon la quantité de la portion comprise & cachée sous icelui horizon. Mais les autres signes qui à ceux-là se lèvent & couchent, ils se lèvent & couchent à rebours & contre leur ordre. Ceux-ci se lèvent à rebours comme Taurus devant Aries ; Aries devant Pisces ; Pisces devant Aquarius ; ce néanmoins les signes opposés à ceux-ci se lèvent selon le droit ordre, & se couchent à rebours, & contre ledit ordre, comme Scorpius devant Libra, Libra devant Virgo ; combien que les signes opposés à ceux-ci se couchent selon leur droit ordre, c'est à dire à savoir ceux-là qui se lèvent à rebours comme Taurus.

Et à ceux desquels le zénith est au pôle arctique, advient que leur horizon est même avec l'équinoxial ; par quoi tout ainsi que l'équinoxial divise le zodiaque en deux parties égales, ainsi leur horizon laisse la moitié du zodiaque dessus, & l'autre moitié dessous.

 


 


A cette cause quand le Soleil fait son cours par celle moitié du zodiaque qui est depuis le commencement d'Aries jusqu'à la fin de Virgo, ils ont un jour continuel sans nuit, & quand le Soleil fait son cours par l'autre moitié, qui est du commencement de Libra jusqu'à la fin de Pisces, tout le temps sera une nuit continuelle sans jour. Pour raison de quoi l'une moitié de toute l'année est un jour artificiel, & l'autre moitié est une nuit. Donc en ce lieu tout l'an n'est qu'un jour naturel. Mais vu que le Soleil en un tel lieu n'est jamais déprimé plus de vingt trois degrés sous l'horizon, semble qu'ils ont le jour continuel sans nuit ; car ici même disons être jour devant que le Soleil soit levé sur l'horizon ; mais ceci se dit selon le sens & jugement vulgaire ; car il n'est jour artificiel selon la raison physique ou naturelle, sinon depuis que le Soleil est élevé, jusqu'à ce qu'il est couché sous l'horizon. A ce donc qu'il semble qu'en un tel lieu on voit perpétuellement lumière (car il est jour le Soleil étant encore dix-huit degrés sous l'horizon comme dit Ptolémée ; & autres Auteurs & maîtres disent trente degrés, c'est à dire de la quantité d'un signe[15]) faut dire que l'air est là nébuleux & épais. Car le rayon du Soleil étant là de faible vertu élève plus de vapeurs que ne peut consommer et dissoudre ; par quoi ne fait l'air clair & serein, & à raison de cela n'est jour[16].

 

ANNOTATION.

 

1. Lucain en ce lieu ici fait et nomme la partie sénestre du monde la partie Australe, & la droite le Septentrionale[17] ; & beaucoup d'autres sont de même opinion. Mais Aristote, en son second livre du Ciel estime la droite partie du monde être la partie Orientale, & pour la sénestre il prend l'occidentale.

 

ANNOTATION.

 

2. Si Lucain a été fort docte en la doctrine des choses célestes, j'en laisse faire jugement à d'autres, moyennant qu'il me soit permis de dire et donner avertissement de ceci, c'est à savoir que ses œuvres Astronomiques sont telles que j'estime que à grand peine y a-t-il quelqu'un qui les puisse entendre. Ce qui en ce lieu ici est premièrement dit et écrit être deux solstices, un haut & l'autre bas ; puis après des signes les uns être principaux & les autres être nommés régions, notre Auteur l'a inventé afin qu'il fût vu pouvoir expliquer Lucain.

 

De la division des Climats.

Soit imaginé un certain cercle en la superficie de la terre, posé directement sous l'équinoxial[18] ; & soit aussi entendu un autre cercle en la superficie de la terre, passant par Orient et Occident et par les pôles du monde[19]. Ces deux cercles s'entrecoupent & divisent en deux lieux en angles droits sphériques, & divisent toute la terre en quatre parties, ou quartiers ; desquels l'un est la notre habitable, c'est à savoir celle qui est comprise entre le demi-cercle tiré d'Orient en Occident en la superficie de l'équinoxial, & le demi-cercle tiré d'Orient en Occident par le pôle arctique[20]. Toutefois ce quartier n'est pas tout habitable ; car les parties d'icelui prochaines à l'équinoxial sont inhabitables, à cause de la chaleur excessive. Semblablement les parties prochaines du pôle arctique sont inhabitables, à cause du grand & extrême froid. Soit donc entendue une ligne distante également de l'équinoxial, divisant les parties du quartier inhabitables, à cause de la chaleur, des parties habitables qui sont vers Septentrion. Davantage soit imaginée une autre ligne distante également du pôle arctique divisant les parties du quartier lesquelles sont vers Septentrion inhabitables à cause du froid, des parties qui sont vers l'équinoxial. Encore entre ces deux lignes extrêmes, faut concevoir en son esprit, qu'il y a six lignes parallèles à l'équinoxial, lesquels avec les deux premières divisent la partie totale du quartier habitable en sept portions, qui s'appellent les sept Climats[21] ; comme l'on peut voir en la présente figure[22].

 


 


Mais le climat est dit un tel espace de terre, par lequel sensiblement on voit, & connaît la variété, & différence des horloges. Car un même jour d'été de quelque quantité qu'il soit en une région, sensiblement il est moindre en une autre région, qui se trouve plus prochaine du Midi. Donc un tel & si grand espace de terre, par la quantité duquel un même jour commence sensiblement à varier en grandeur ou petitesse, se nomme Climat ; aussi l'observation qu'on fait avec un même horloge [solaire] de l'heure & minutes pour la quantité d'un certain jour, ne se trouve point semblable au commencement & à la fin d'un tel espace de terre. Car puisque les mêmes jours sensiblement varient & ne sont point égaux, il faut aussi que pour leur commencement, & fin, les horloges marquent heures diverses, & qu'ils soient différents entre eux mêmes.

Donc le milieu du premier Climat est là où la plus grande prolixité & étendue du jour plus grand est de treize heures, & l'élévation du pôle du monde sur le cercle de l'hémisphère de seize degrés & deux tierces d'un degré, & s'appelle climat dia Meroes[23] [jour de Meroé], & son commencement est, quand la longueur du plus grand jour s'étend douze heures et trois quarts, & le Pôle est élevé sur l'horizon douze degrés, & trois quarts. Et sa latitude [= largeur] est étendue jusqu'au lieu, où la longitude [= longueur] du plus grand jour est de treize heures & un quart, & le pôle est élevé de vingt degrés & demi, lequel espace de terre est de quatre cent quarante milliers. Le milieu du second Climat est où le plus grand jour est de treize heures & demie, & l'élévation du pôle sur l'horizon vingt quatre degrés & un quart, & s'appelle Climat dia Syenes [= jour de Syène[24]]. Sa latitude est du terme & lieu du premier Climat jusqu'au lieu où le jour le plus long est de treize heures & trois quarts ; & le pôle est élevé vingt sept degrés & demi, & l'espace d'icelle terre est quatre cents milliers. Le milieu du tiers climat est où la longueur du jour le plus long est de quatorze heures, & l'élévation du pôle sur l'horizon trente degrés & trois quarts, & s'appelle Climat dia Alexandrias [= jour d'Alexandrie]. La latitude d'icelui est depuis la fin du second Climat jusque là où est le plus long jour de quatorze heure & un quart, & l'altitude du pôle est de trente trois degrés & deux tiers ; lequel espace de terre est de trois cents cinquante milliers. Le milieu du quatrième climat est où la longueur du jour le plus long est de quatorze heures & demie, & la hauteur du pôle trente six degrés, & deux quintes, & s'appelle climat dia Rhodon [= jour de Rhodes]. La latitude d'icelui est depuis la fin du tiers climat jusqu'où la longueur du jour est de quatorze heures, & trois quarts ; & l'élévation du pôle trente neuf degrés, lequel espace de terre est de trois cents milliers.

Le milieu du cinquième climat est où le plus grand jour est de quinze heures, & l'élévation du pôle quarante un degrés & un tiers, & s'appelle le climat dia Romes [= jour de Rome]. La latitude d'icelui est depuis la fin du quatrième climat jusqu'où la longueur du jour est de quinze heures & un quart, l'élévation du pôle quarante trois degrés & demi, lequel espace de terre est deux cent cinquante cinq milliers. Le milieu du sixième climat est, où le jour le plus long est de quinze heures & demie, & le pôle est élevé sur l'horizon quarante cinq degrés, & deux quintes, & s'appelle climat dia Boristhenes [= jour du Borysthène[25]. La latitude duquel est depuis la fin du cinquième climat jusqu'où est la plus grande quantité du jour qu'est de quinze heures & trois quarts, & l'élévation du pôle est de quarante sept degrés & un quart, lequel espace de terre est de deux cents & douze milliers.

Le milieu du septième climat est où la plus grande longueur du jour est de seize heures, & l'élévation du pôle sur l'horizon quarante huit degrés & deux tiers, & s'appelle climat dia Rhipeon [= jour des monts Rhipées[26]]. La latitude d'icelui est depuis la fin du sixième climat jusqu'où le jour le plus long est de seize heures & un quart, & le pôle est élevé sur l'horizon cinquante degrés & demi ; lequel espace de terre est de cent octante cinq milliers. Mais outre le bout & la fin de ce septième climat, combien qu'il y ait plusieurs îles & habitations d'hommes, ce néanmoins pour ce qu'en ce lieu là il fait mauvais & dangereux vivre & demeurer, il n'est point compté pour climat[27]. Par ainsi la diversité, & différence qui est entre la borne & marque du commencement des climats, & la fin d'iceux, elle est de trois heures & demie, & de l'élévation du pôle sur l'horizon trente huit degrés. Ainsi donc est manifeste la latitude de chaque climat depuis son commencement vers l'équinoxial, & jusqu'à la fin du même climat vers le pôle arctique, & que la latitude [= largeur] du premier climat est plus grande que la latitude du second climat, & ainsi des autres successivement. Mais la longitude du climat peut être appelée la ligne tirée d'Orient en Occident distant également de l'équinoxial. Par quoi la longueur & étendue du premier climat, est plus grande que la longueur du second, & ainsi des autres ; ce qu'advient à cause que la superficie de la Sphère, toujours se rétrécit venant de l'équinoxial vers les Pôles du Monde.

 

ANNOTATION.

 

klimata en Grec vulgairement dit Climats. Vitruve les interprète par ce mot Inclinations et pentes du ciel, lesquels climats sont appelés des Grecs comme s'ensuit, le premier, […], c'est à dire par Meroes qui est ville d'Ethiopie, le second […], c'est à dire par Syène qui est aussi une ville d'Ethiopie mais plus septentrionale ; le tiers […], c'est à dire par Alexandrie qui est une ville d'Egypte. Le quart, […], c'est à dire par Rhodes, qui est une ville et une île. Le cinquième […], c'est à dire, par Rome, qui est une ville d'Italie. Le sixième […], c'est à dire par Borysthène, qui est un fleuve coulant dans la mer Méditerranée nommée Ponte tirant vers la palude Meotis[28], et le fleuve de Tanaïs. Le septième se nomme […], c'est à dire par les montagnes Rhipées, & les peuples qui sont prochains du Septentrion vulgairement nommés North. Martianus Capella en son 8. livre met et décrit huit climats ; d'autres aussi en font et constituent plusieurs davantage. Mais ici notre Auteur a totalement suivi Alfragan, tant en autres choses, qu'en la dimension & mesure de la terre, qui est décrite en ce lieu. Combien qu'en son 1. chapitre il eut mis en avant, et eût parlé des stades, selon l'opinion de Eratosthène, mais Alfragan à un degré du circuit du ciel, attribue 56. milliers et deux tiers d'un millier, du circuit et contour de la terre.

 

 

Jours artificiels

Elévation du pôle

Espace de terre

Climats

 

heures

minutes

degrés

minutes

milliers

 

Le commencement du premier.

12

45

12

45

440

Par Meroes.

Le milieu.

13

0

16

40

Le commencement du second.

13

15

20

30

400

Par Syene.

Le milieu.

13

30

24

15

Le commencement du tiers.

13

45

24

30

350

Par Alexandrie.

Le milieu.

14

0

30

45

Le commencement du quart.

14

15

33

40

300

Par Rhodes.

Le milieu.

14

30

36

24

Le commencement du cinquième.

14

45

39

0

255

Par Rome.

Le milieu.

15

0

41

20

Le commencement du sixième.

15

15

43

30

212

Par Boristhène.

Le milieu.

15

30

45

24

Le commencement du septième.

15

45

47

15

185

Par les montagnes Rhipées.

Le milieu.

16

0

48

40

La fin.

16

15

50

30

 


 


La diversité & différence des heures entre le commencement du premier climat, & la fin du septième, est de trois heures & trente minutes ; mais la diversité des élévations du Pôle consiste en trente sept degrés & quarante cinq minutes ; & l'espace de la terre qui est entre deux, elle contient 2142. miliaires.

 

 

 

   Vers le chapitre 4

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[1] En Italie, le temps a longtemps été compté à partir du coucher du Soleil ("heures italiennes").

[2] La volvelle suivante, absente de l'édition que nous transcrivons, ne peut être montrée ici complètement (voir la page sur les volvelles, dont le lien figure en bas de la page de présentation « Sacrobosco »).

[3] Pour la Sphère droite, l'observateur est supposé se situer à l'Equateur (si la zone torride est habitable…).

On désigne par ascension droite d’un point du ciel, le point de l’équateur qui se lève (à l’est au dessus de l’horizon) en même temps que ce point du ciel, dans la sphère droite. L’ascension droite correspond donc, pour le ciel, à la notion de latitude terrestre.

On désigne par ascension oblique d’un point du ciel, le point de l’équateur qui se lève (à l’est au dessus de l’horizon) en même temps que ce point du ciel, dans la sphère oblique (pour un horizon d’une latitude donnée autre que 0°).

[4] Pedro Nunes, cosmographe de Jean III et professeur de mathématiques à l'Université de Coimbra (Portugal), a écrit en 1537 un Tratado da Sphera, synthèse des expériences de navigation portugaises, comprenant, en portugais, la Sphère de Sacrobosco, un traité sur la Lune et le Soleil d'après Peurbach, le premier livre de Ptolémée, ainsi que divers questions de navigation et de cartographie.

[5] Un signe du zodiaque correspond à 30 degrés sur l’écliptique. La table indique, pour chaque signe, le nombre de degrés correspondant sur l’équateur (ou « réduits à l’équateur »).

[6] Le "jour naturel" (nycthémère) correspond à l'espace de temps entre deux passages consécutifs du Soleil au méridien du lieu (deux midis vrais consécutifs). Sa durée n'est pas exactement de 24 heures.

Si l'on fixe à 24 heures la durée moyenne du jour, la différence entre le temps moyen et le temps vrai se nomme l'Equation du temps. Celle-ci correspond à deux causes : la déclinaison variable du Soleil ("réduction à l'équateur") et la vitesse variable de rotation de la Terre autour du Soleil (loi des aires de Kepler), qui correspondrait à ce que Sacrobosco nomme, à la suite de Ptolémée, excentricité du cercle du Soleil. En revanche on comprend mal le rôle qu'assigne Sacrobosco à l'horizon dans cette affaire (voir à ce propos la note 5 de Desbordes, située un peu plus loin dans le texte).

[7] Un arc de jour "naturel" (trajet du Soleil dans son parcours apparent en 24 heures, à peu près) est donc divisé par l'horizon en deux parties correspondant au jour "naturel" (partie visible) et à la nuit. La notion de nuit "naturelle" ne semble pas exister, toutes les nuits sont "artificielles", c'est à dire dépendent de la position de l'observateur sur la Terre.

[8] Sacrobosco ne semble plus exclure cette habitabilité.

[9] Sans jamais s'être rendus dans ces contrées (certains, mais pas tous, les croyant infranchissables), les anciens Grecs avaient donc connaissance de ce qui se passe sous l'équateur, grâce à l'efficacité de leur modèle du monde.

[10] C'est à dire pour une latitude donnée.

[11] Cette "heure naturelle" correspond à une division du jour en 12 heures et une division de la nuit en 12 heures. Sauf aux équinoxes (ou à l'équateur), les heures de jour ne sont donc pas égales aux heures de nuit. On les nomme souvent "heures inégales" et furent celles de l'usage courant du temps des Romains, au Moyen Age et à la Renaissance (avant que l'horlogerie mécanique ne s'impose), étant adaptées à une époque où le travail se situait du lever au coucher du Soleil (c'est leur côté "naturel").

[12] En particulier les cadrans solaires.

[13] Aujourd'hui Assouan, utilisée pour la mesure de la Terre par Eratosthène.

[14] Observation qu’aurait fait Pythéas durant son périple au Nord des îles Britanniques.

[15] Il existe plusieurs sortes de crépuscules : le crépuscule astronomique, lorsque le Soleil est à 18° sous l'horizon (nuit complète en deçà), nautique, lorsque le Soleil est à 12° sous l'horizon et jusqu’à 6° (on peut voir à la fois l’horizon et les étoiles de première grandeur pour faire le point) et crépuscule civil, lorsque le Soleil est à 6° sous l'horizon.

[16] Rappelons que, bien entendu, personne du temps de Sacrobosco n'est jamais allé observer aux régions polaires. Il s'agit de pures constructions mentales, que permet le modèle sphérique grec (et les maquettes construites selon lui, comme les sphères armillaires). Même si leurs conceptions climatiques sont quelque peu défectueuses, le résultat ne peut que susciter une grande admiration.

[17] Il est assez curieux qu'on s'oriente ainsi face à l'Ouest.

[18] Les cercles de la Sphère (sous entendu céleste), comme l'équateur, sont d'abord définis dans les cieux. Ce n'est que dans un second temps que l'on considère leurs analogues, imaginés sur la Terre, en dessous de ces derniers.

[19] Il s'agit du méridien origine (à préciser…) et de son antiméridien (longitude 180°).

[20] Ici, Sacrobosco, à la suite des anciens grecs (du moins la plupart), se laisse emporter par la théorie, raisonnant en "géographe de cabinet". L'histoire de la géographie est faite de cette dialectique entre théoriciens et hommes d'expérience, voyageurs et navigateurs.

[21] La théorie des Climats se trouve au livre II de l’Almageste et fut longtemps conservée. Sur les cartes des Atlas du XVIIe siècle, cohabite généralement une double échelle en latitudes et en climats. Les parallèles des climats ne sont pas régulièrement espacés mais correspondent à une différence d'une demi-heure d'ensoleillement le jour du Solstice d'été (on suppose que cet ensoleillement est directement responsable du caractère climatique de la zone). Aux XVIIe et XVIIIe siècles le terme climat perd lentement son sens purement astronomique, pour ne conserver que son sens météorologique actuel.

[22] Le globe reproduit ici correspond sans doute à un bois gravé vers 1550. Les imprécisions sont importantes au Nord et à partir de l'Inde.

[23] Jour de Meroé, cité située au Soudan (ancienne Nubie) au niveau de la sixième cataracte du Nil. Le site archéologique de Méroé est réputé pour les quelques 184 pyramides aux pentes raides, de 10 à 30 m de haut, qu’on y voit.

[24] Syène correspond à la ville égyptienne d'Assouan.

[25] Le Borysthène est le fleuve Dniepr, se jetant dans la mer Noire.

[26] Les monts Rhipées correspondent à l’Oural.

[27] C'est bien sympathique pour nos amis habitant les îles Britanniques (il s'agit tout de même du lieu de naissance de Sacrobosco, qui ne juge guère utile de se démarquer ici des Grecs).

[28] La palude Meotis correspond à la mer d’Azov (communiquant avec la mer Noire et située à l’Est de la Crimée).