Contrairement à ce que laisserait supposer la gravure ci-dessus, extraite du frontispice des Ephémérides[1] de 1755 à 1765, la triangulation n'est pas affaire de chérubins.
Il
faut escalader les montagnes, affronter les éléments, les nombreux aléas des
campagnes de mesures… puis aligner des pages de calcul.
Voyez Maupertuis abattant les sapins et luttant contre les moustiques, Bouguer et La Condamine faisant face à l'hostilité des populations locales les soupçonnant de sorcellerie, ou encore Méchain, miné par une erreur de calcul, qui en perdra la santé.
Mais tous sont mus par un idéal supérieur, une ambition incroyable, celle de mesurer la Terre, d'emprisonner pays et continents dans leurs chaînes de triangles et parvenir à une géographie parfaite.
Le principe topographique de la triangulation rend en effet possible la cartographie rigoureuse d'un vaste territoire. Défini à la Renaissance, il permet, encore actuellement, un "maillage" du Monde. L'image ci-dessus montre l'ossature du réseau européen dans les années 1950.[2]
Gemma Frisius (1508-1555) énonce, semble-t-il le premier, en 1533 la méthode de triangulation.
On trouve dans l'édition de 1544 de la Cosmographie de Pierre Apian, en français, un appendice de Gemma Frisius : De la description des Régions & Pays par l'artifice Géographique. Ce document est téléchargeable sur le site de la Bibliothèque nationale de France : http://gallica.bnf.fr .
On en donne des extraits (en modernisant quelque peu l'orthographe, afin de faciliter la lecture).
"Certes nier ne
puis, qu'en cette affaire la plus certaine de toutes les autres manières soit
celle qui procède & se déduit par les longitudes et les latitudes des
lieux. Après celle qui décrit les régions par les latitudes & angles de
position. Au dernier celle qui seulement œuvre par les angles de position.
Laquelle nous mettons ici au devant des autres, à cause qu'elle est plus facile
et vulgaire.
Mais
ne me semble pas hors de propos de déclarer quelle chose nous appelons angle de
position. Or angle de position s'appelle ici […] la distance qui est entre le
méridien ou la ligne tirée vers le midi d'un lieu, & la ligne de celui-ci
passant par un autre lieu, comme apparaît en cette figure.
Etant connue la
définition du nom, par cette manière vous voudrez décrire une contrée, ou aussi
un royaume entier avec toutes ses villes.
Premièrement en une
table plane faites un tel instrument. Soit fait un cercle, lequel soit divisé
en quatre quarts, ou quadrants. Derechef chaque quadrant divisé (comme à
l'accoutumé) en 90 parties, puis fichez par le centre l'enseigneur ou l'indice
avec les tablettes ou pinnules, comme au dos de l'astrolabe.[…] Si à cette
heure voulez savoir l'angle de position d'autre lieu du votre : demeurant
l'instrument ainsi ferme, tournez lentement l'enseigneur jusqu'à ce que par les
tablettes voyez l'autre lieu […].
Or si à cette heure plait désigner une entière contrée, cherchez premièrement d'une ville, dont il vous plait commencer, les situations de tous les lieux entour gisant […], montez la plus haute tour de la ville, & comme hors d'un beffroi regardez à l'entour. Après marchez à une autre ville, & là faites semblablement avec les angles de position de tous les lieux entour gisant. […]
La figure précédente démontre ceci à l'œil.
Cette description donc est facile, & plus certaine que celle qui œuvre par les distances : car ces distances sont communément incertaines […]. Pour le présent s'il plait après la carte désignée selon ladite raison mesurer les distances point connues, ce qui néanmoins peut sembler merveille, puisqu'ici l'on n'a eu mention & compte de la distance. Cherchez la distance de deux quelconques lieux, ou par chemin, ou plus certainement, par la manière qu'après plus déclarerons, comme par exemple. Je vois entre Anvers et Malines être quatre petites lieues. Pour ce l'espace entre Anvers & Malines je partis en quatre. Et par ces divisions pouvez mesurer tous les lieux décrits en la Carte."
A l'article DEGRE de l'Encyclopédie Méthodique (1784), la mesure effectuée par l'abbé Jean Picard (1620-1682) sert d'exemple :
"La première mesure
qu'on ait faite avec précision pour connaître la grandeur de la terre, celle
qui a été répétée avec le plus grand soin, est la mesure du degré entre
Paris & Amiens. Je prendrai cette mesure pour exemple, en expliquant la
méthode qui a fait trouver, avec tant de précision, la grandeur & la figure
de la terre.
L'objet que se proposa
Picard, en 1669, fut de connaître le nombre de toises qu'il y avait en ligne
droite, entre Paris et Amiens, & combien de minutes et de secondes il y
avait pour leur différence de latitude, sur la circonférence du méridien de la
terre : ainsi, il y a deux opérations principales dans ce travail ; mesure
géodésique en toises, mesure astronomique en degrés.
A l'égard de la mesure
géodésique, il serait long et difficile de mesurer toise à toise, d'un bout à
l'autre, un espace de vingt-cinq lieues […]. Picard préféra d'employer la
trigonométrie, & se contenta de mesurer avec soin, au midi de Paris, un
espace de 5663 toises de long, sur le chemin de Villejuive à Juvisy, qui était
déjà pavé en droite ligne, & d'en conclure tout le reste par des triangles.
Depuis ce temps-là, on a élevé à Villejuive et Juvisy, deux pyramides[3]
qui sont exactement à 5717 toises l'une de l'autre, suivant la mesure que
l'Académie a faite en 1756.
On voit dans la figure
[ci-dessus] les triangles de Picard […]."
Picard apporte un soin particulier à la conception de ses instruments.
Les
planches de l'Encyclopédie détaillent les instruments utilisés :
· quart de cercle muni de lunettes et d'un micromètre (pour ajuster la visée) pour les mesures géodésiques et l'alignement de la méridienne,
· secteur astronomique, pour déterminer la différence de latitude.
ß Cliquer sur la page de titre de l'Encyclopédie pour
voir les planches consacrées aux instruments de Picard.
Pour les mesures d'angle des triangles, il est le premier à utiliser un quart de cercle muni de lunettes (au lieu d'une alidade à pinnules) et d'un micromètre d'Adrien Auzout. Cet instrument lui permet une précision de l'ordre de quelques secondes de degré.
Le quart de cercle mesure 3 pieds 2 pouces de rayon (soit 1,04 m). Il possède deux lunettes. L'une, fixe, sert d'origine de l'angle ; l'autre, mobile, se déplace devant la graduation, dont la lecture fine se fait selon la méthode des transversales.
A l'article MICROMETRE de l'Encyclopédie,
on lit sous la plume de Lalande, que c'est un "instrument qui
sert à mesurer dans les cieux, avec une très grande précision, de petites
distances ou de petits arcs. […]
Les
Anglais attribuent l'invention du micromètre à Gascoigne, astronome qui
fut tombé dans les guerres civiles d'Angleterre, en combattant pour l'infortuné
Charles I. Les Français attribuent l'invention à Auzout ; mais la Hire, dans
son mémoire de 1717 sur la date de plusieurs inventions astronomiques, observe
que c'est à Huygens que nous devons la première idée du micromètre. […]
Vers 1666, Auzout et Picard imaginèrent le châssis mobile qui s'emploie encore
aujourd'hui. […] Quoi qu'il en soit, on n'en doit pas moins regarder Huygens
& Auzout comme l'ayant inventé puisque Gascoigne n'avait rien publié. […]
Les observations
faites de jour ont cet avantage que les fils du micromètre qui sont
placés au foyer de l'objectif & de l'oculaire, s'aperçoivent sans aucun
secours ; au lieu que dans celles que l'on fait de nuit, il faut les éclairer.
Pour y parvenir on se sert d'une lumière dont on fait tomber obliquement les
rayons sur l'objectif, afin que la fumée n'intercepte pas ceux de l'astre qu'on
observe ; mais, lorsqu'on en a la commodité, on fait une ouverture à la lunette
auprès du foyer de l'objectif, & c'est alors vis-à-vis de cette ouverture
qu'on place la lumière afin d'éclairer les fils."
Pour les mesures astronomiques permettant de déterminer la différence de latitude entre les extrémités de la chaîne de triangles, Picard conçoit un secteur de 10 pieds de rayon (3,25 m). Il prétend qu'avec ce secteur on a une erreur maximale de 4 secondes de degré.
Dans son ouvrage La mesure de la Terre, paru en 1671, Picard décrit les opérations menées. Ces opérations sont assez simples à comprendre. On ne fait pas de correction pour tenir compte de l'altitude et Picard considère ses triangles comme des triangles horizontaux.
Les différentes étapes sont les suivantes :
· Mesure au sol d'une base : on reporte bout à bout des piques en bois, le long d'un trajet tracé au cordeau le long de la route Villejuif-Juvisy.
· Mesure des angles d'une chaîne de triangles (avec le quart de cercle en position horizontale).
Par la trigonométrie plane, essentiellement la formule des sinus, on en déduit les côtés de ces triangles, puis la distance séparant les sommets extrêmes de la chaîne.
· Orientation du segment séparant les extrémités de la chaîne par rapport au Nord, en visant l'étoile polaire, à l'aide du quart de cercle utilisé en position verticale.
On projette ensuite la distance entre les extrémités des triangles sur la méridienne.
· Mesure de la différence de latitude entre les extrémités de la méridienne mesurée.
Cette mesure est faite avec le grand secteur astronomique. Picard vise, pour ce faire, "l'Etoile qui est dans le genou de Cassiopée" (il s'agit de d Cassiopée).
Connaissant ainsi la proportion du méridien ayant fait l'objet de la mesure, on en déduit la valeur, en toises, d'un degré de méridien à la surface de la Terre.
ß Cliquer sur l'image, pour lire de larges extraits de l'Abrégé
de l'ouvrage de M. l'Abbé Picard sur la mesure de la Terre.
Ces extraits sont d'une lecture facile, les éléments théoriques de cette triangulation sont en effet assez simples.
En 1671, Picard part au Danemark, faire le relèvement de l'observatoire de Tycho Brahé, sur l'île d'Hven. Il ramènera à Paris l'astronome Römer.
En 1678 paraît la carte des environs de Paris, levée par l'ingénieur David Vivier, en utilisant la triangulation de Picard.
En 1679, Picard et La Hire vont en Bretagne, et l'année suivante en Guyenne, pour déterminer, par des observations astronomiques, les coordonnées géographiques des côtes du royaume. En 1682, La Hire publie sa carte des contours de la France : Carte de France corrigée par ordre du Roi sur les Observations de Mrs de l'Académie des Sciences. La France se trouve amincie, ce qui fait dire à Louis XIV que "les messieurs de l'Académie lui ont fait perdre une partie de son royaume".
De 1688 à 1718, Jean-Dominique Cassini et son fils Jacques achèvent la triangulation de la Méridienne de France.
De 1733 à 1740 est réalisée la première triangulation de la France, par Jacques Cassini et son fils César Cassini de Thury. Elle aboutit en 1745 à la publication de la première carte de France rigoureusement construite.
Il est possible de télécharger les activités suivantes (avec corrigé), à propos de la triangulation de Picard, au format Word (cliquer avec le bouton droit, puis choisir Enregistrer la cible sous…), environ 120 Ko.
Niveau seconde : Triangulation 2nde.doc
Niveau première scientifique : Triangulation 1S.doc
A l'article FIGURE de la terre de l'Encyclopédie méthodique, Lalande retrace l'historique de cette question :
"La mesure des
degrés de la terre avait fait connaître sa grandeur ; mais on supposait que ces
degrés étaient égaux ; & l'on crut la terre ronde ou sphérique jusqu'en
1666. Depuis ce temps là, son aplatissement a été reconnu, soit par la
théorie, soit par la mesure des degrés, faite en divers climats. On avait
observé dans le dernier siècle [17ème s.], l'aplatissement de
jupiter. On avait reconnu en 1672, dans le voyage de Cayenne, que le pendule à
secondes était plus court vers l'équateur, c'est à dire que la pesanteur y
était moindre qu'en europe. Huygens soupçonna que ce pouvait être l'effet de la
force centrifuge qui provenait de la rotation de la terre. De là il suivait que
la terre devait être aplatie ; mais l'on ne pouvait s'en assurer qu'en mesurant
la valeur du degré à différentes latitudes.
[…] l'Académie commença
en 1683 ces opérations dans l'étendue de la France, & continua en 1700. En
comparant les mesures faites au nord & au midi de Paris, on crut apercevoir
que l'étendue des degrés était un peu plus grande vers le midi, ce qui a fait
dire pendant quelques années que la terre pouvait bien être allongée […]. Mais
cette différence entre les degrés mesurés dans l'étendue de la France, était
trop petite pour que l'on puisse constater de manière décisive la figure
de la terre […].
Au milieu des
dissertations que la mesure du parallèle de Paris occasionna, en 1733, dans les
assemblées de l'Académie, la Condamine représenta qu'on lèverait la difficulté
de la façon la plus sûre, en mesurant un degré aux environs de l'équateur ; par
exemple, à Cayenne, & il offrit de l'entreprendre lui-même. En 1734, Godin
lut aussi un mémoire sur les avantages qu'on pourrait tirer d'un voyage à
l'équateur qu'il offrait de faire avec M. de Fouchy ; le ministre, qui était
alors le comte de Maurepas, fit agréer au Roi le voyage que Godin, la Condamine
& M. de Fouchy devaient faire ; mais la santé & les occupations de ce
dernier le déterminèrent à remettre cette commission à Bouguer, qui était alors
hydrographe du Roi, au Havre-de Grâce ; & ces trois Académiciens partirent
au mois de mai 1735. Peu de temps après Maupertuis, avec trois autres
académiciens partit pour le cercle polaire, où ils trouvèrent le degré de 57422
toises plus grand de 353 toises que le degré de Paris 57069 toises. Cette
augmentation du degré entre 49° & 66° de latitude, forma une démonstration
complète de l'aplatissement de la terre vers les pôles.
Les trois académiciens
envoyés au Pérou, ne terminèrent leur mesure qu'en 1741, ils trouvèrent le
degré de méridien sous l'équateur même, de 56753 toises.
[…] c'est la quantité d'aplatissement que Neuton avait trouvée par la théorie de l'attraction, & de la force centrifuge, en supposant la terre elliptique & homogène."
Ainsi Newton avait raison contre Cassini, ce qui fit dire à Voltaire qu'il
fallait remercier Maupertuis d'avoir aplati la Terre et les Cassini.
ß Cliquer sur l'image, pour consulter des extraits du Discours
lu dans l'Assemblée publique de l'Académie Royale des Sciences, sur la Mesure
de la Terre au Cercle Polaire par Maupertuis (1698-1759).
La mission dirigée par Maupertuis était composée de Clairaut, Camus, Lemonnier, l'Abbé Outhier, qui fit un compte-rendu très détaillé, et Celsius, chargé par le roi de Suède de servir d'introducteur et de participer aux observations.
Laissons résumer Voltaire :
"C'est une chose
qui me paraît toujours admirable, qu'on ait découvert de si sublimes vérités avec
l'aide d'un quart de cercle et d'un peu d'arithmétique."
(Lettres philosophiques, 1734.)
Au début du XIXe siècle, Puissant ouvre son Traité de Géodésie par l'avant-propos suivant :
"La Topographie
d'un grand Etat, fondée sur des procédés trigonométriques et astronomiques,
remonte à l'époque où l'illustre Cassini conçut et exécuta le vaste projet
d'une Carte de la France ; et cette œuvre, qui mérite encore à beaucoup de
titres, l'estime dont elle jouit généralement, a servi pendant longtemps de
modèle aux autres nations. Mais l'opération à jamais mémorable, exécutée de nos
jours par deux astronomes célèbres, pour la détermination de l'unité
fondamentale de notre système de poids et mesures, a donné lieu à de nouvelles
méthodes d'observation et de calcul qui ont fait changer la face à la science
géodésique, et influé même sur les progrès de la topographie. Cette heureuse
révolution, suite naturelle de l'invention du cercle répétiteur de Borda et des
travaux de M. Delambre, s'est étendue sur toute l'Europe savante, et pénètre
déjà dans les autres parties du monde civilisé."
Le "cercle répétiteur" conçu par le "mathématicien marin" Jean-Charles de Borda (1733-1799) et réalisé par "l'artiste mécanicien" Lenoir en 1787 permit un gain important de précision dans la mesure des angles et put être utilisé par Delambre et Méchain dans la mesure du méridien pour déterminer la valeur du mètre.
Lorsqu'on
effectue des mesures, l'addition de plusieurs facteurs aléatoires indépendants
(et sensiblement équivalents) induit des erreurs, celles-ci se répartissent
selon la loi de Gauss (dite "loi normale") et la moyenne
arithmétique des mesures fournit alors une bonne estimation de la valeur réelle
(on montre que cette moyenne minimise la somme des carrés des erreurs).
L'appareil, muni de deux
lunettes de visée, permet, en débrayant une des lunettes du cercle, de cumuler n mesures de l'angle. En divisant la
somme par n, on obtient ainsi une
mesure moyenne, pour laquelle la dispersion (l'écart type) est divisée par .
Supposons
que l'on veuille mesurer l'angle que fait la station avec les points A et B.
On débraye les deux lunettes, qui sont alors indépendantes, et on vise le point A avec la lunette 1 et le point B avec la lunette 2.
On embraye le plateau, les lunettes 1 et 2 sont alors solidaires. On tourne l'ensemble dans le sens des aiguilles de la montre pour viser le point A avec la lunette 2.
On débraye le plateau, les lunettes sont alors indépendantes, et on tourne la lunette 2 dans le sens contraire des aiguilles de la montre, pour venir viser de nouveau le point B avec la lunette 2.
L'angle entre les deux lunettes vaut alors deux fois l'angle entre la station et les points A et B. Il suffit de réitérer le procédé, autant de fois que désiré.
Le 16 février 1791, sur proposition de Borda, se constitue une commission composée de lui-même, Condorcet, Laplace, Lagrange et Monge, pour étudier sur quelle base on peut établir l'uniformité des poids et mesures. Après un mois de discussion, la commission repousse la proposition de la longueur du pendule battant la seconde à la latitude de 45° au niveau de la mer, et juge plus universelle la dix-millionième partie du quart de méridien terrestre. L'Académie est chargée d'établir un étalon du mètre.
De 1792 à 1798, en pleine période révolutionnaire, Delambre, au nord, et Méchain, au sud, triangulent la méridienne de France, de Dunkerque à Barcelone, équipés de cercles répétiteurs de Borda. A ce degré de précision, les précautions mathématiques sont bien supérieures à celles de Picard. Le mathématicien Legendre apportera sa contribution aux calculs.
Une première correction, la "réduction au centre", est effectuée pour tenir compte du fait que l'angle mesuré n'est pas exactement l'angle observé. En effet, on peut avoir à mesurer l'angle ABC où B est le sommet d'un clocher. Pour des raisons pratiques, le cercle répétiteur ne peut être placé au sommet B du clocher… il l'est en un point O proche de B et l'angle mesuré est AOC. Connaissant la distance OB, un calcul trigonométrique permet de déterminer l'angle ABC.
Une deuxième correction, la "réduction à l'horizon", plus compliquée, tient compte des altitudes des points et de l'inclinaison des visées. C'est alors la trigonométrie sphérique qui intervient et un théorème de Legendre donne la correction à effectuer.
Lorsque vers 1810, Delambre présente à Napoléon les trois tomes de ses Bases du système métrique décimal, l'Empereur aura ce mot :
"Les conquêtes passent, mais ces opérations restent…".
La Méridienne de Delambre et Méchain sera prolongée ultérieurement (1807) par François Arago et Biot, de Barcelone aux îles Baléares, afin que cette Méridienne soit mieux centrée sur la latitude de 45°.
Le plus grand sommet du monde porte le nom d'un géomètre, George Everest, tout comme l'un des trois anglais du roman de Jules Verne "Aventures de 3 Russes et de 3 Anglais".
En 1802, le colonel William Lambton commence, avec la base aux environs de Madras, les mesures de ce qui sera le plus grand arc méridien jamais obtenu par triangulation : 2400 km de la pointe sud de l'Inde jusqu'au pied de l'Himalaya, affrontant la jungle, les maladies, les inondations... En 1818, le colonel Everest rejoint Lambton et après la mort de ce dernier, prendra la direction des opérations en 1830. S'attachant à obtenir à Londres les meilleurs instruments, Everest achèvera les opérations de terrain en 1841, mais deux années seront encore nécessaires pour mener à bien tous les calculs.
Andrew Waugh, successeur d'Everest à la tête du service géodésique indien, nomma du nom de son prédécesseur le "pic XV" découvert par son équipe dans l'Himalaya :
"… il y a ici une montagne, probablement la plus haute du monde, sans aucun nom local que je puisse découvrir". Et de proposer de la nommer "Everest" pour "perpétuer la mémoire de cet illustre maître de la recherche géographique".
Jules Verne nous entraîne sur les traces d'un autre Everest, sur un autre continent, en Afrique du Sud.
ß
Cliquer sur l'image, pour consulter des extraits des
"Aventures de 3
Russes et de 3 Anglais dans l'Afrique Australe"
de Jules Verne.
Livres anciens :
· Encyclopédie Méthodique, Mathématiques, Par MM. D'Alembert, l'Abbé Bossut, De La Lande, le Marquis de Condorcet, &c. – A Paris, Chez Panckoucke – 1784.
· MAUPERTUIS – Œuvres de Maupertuis – Nouvelle édition, à Lyon, 1768.
· PICARD – Traité du nivellement, avec une Exposition abrégée de la Mesure de la Terre – Paris, 1780.
Ouvrages contemporains :
· KEAY (John) –
The Great Arc : The dramatic tale of how India was mapped and Everest was
named – 2001.
· LEVALLOIS (J.J.) - Mesurer la Terre – Association Française de Topographie – 1988.
· MINELLE (Françoise) – Représenter le Monde – Cités des Sciences et de l'Industrie – Presse Pocket – 1992.
· TRYSTRAM (Florence) – Le procès des étoiles – Seghers 1979.
Revenir à la rubrique cartographie
[1] Ephémérides des Mouvements Célestes, pour dix années, depuis 1755 jusqu'en 1765, et pour le méridien de la Ville de Paris – Par M. De La Caille – Paris 1755.
[2] Source : Mesurer la Terre – J.J. Levallois – Association Française de Topographie – 1988.
[3] La pyramide de Juvisy est toujours visible, sur le plateau, au bord de la RN7.