L'astrolabe est un instrument ancien, datant, bien qu'aucune certitude ne puisse être établie, du IIe siècle après Jésus-Christ. Il est fondé sur la conception suivante du monde, développée tout au long de l'Antiquité Grecque :
Cette vision, dite géocentrique, trouve son apogée avec Ptolémée (IIe siècle de notre ère) : elle a été supplantée par la vision héliocentrique de Copernic au XVIe siècle (le Soleil cette fois est placé au centre de l'univers et les planètes, dont la Terre, gravitent autour de lui sur des orbites circulaires), que Képler améliorera encore en introduisant des orbites elliptiques. Le géocentrisme est bien sûr mécaniquement incorrect ; cependant, cinématiquement ou géométriquement, il ne pose aucun problème : rien n'interdit donc de supposer que la Terre est fixe dans l'espace, ce que je ferai à partir de maintenant.
En parodiant Pascal, on pourrait dire que « c'est une sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part ». Observons la voûte étoilée dans un endroit dégagé : tout se passe comme si les étoiles étaient toutes incrustées sur une sphère de très grand rayon (la sphère des fixes), ayant pour centre la Terre. Si l'observation se prolonge, il est facile de constater que la sphère des fixes est animée d'un lent mouvement de rotation autour d'un de ses diamètres (l'axe du monde) : la rotation complète s'effectue en 23 heures et 56 minutes (le jour sidéral). Les peuples de l'hémisphère nord ont très tôt remarqué que cet axe passait par l'étoile Polaire (pôle nord céleste).
Le plan équatorial est alors le plan perpendiculaire à l'axe du monde et coupant la sphère céleste selon un grand cercle (l'équateur céleste) (voir le dessin ci-contre) Remarquons enfin que l'intersection du plan équatorial avec la sphère terrestre définit l'équateur terrestre et que l'intersection de l'axe du monde avec la sphère terrestre définit les pôles nord et sud terrestres. |
Les étoiles de la sphère des fixes, comme son nom l'indique, sont immobiles les unes par rapport aux autres : ainsi par exemple, la Grande Ourse que l'on observe de nos jours se présente dans la même configuration géométrique que dans le passé... La Lune, quant à elle, « se promène » dans la sphère des fixes : elle n'occupe jamais la même place d'un soir sur l'autre par rapport au fond étoilé. Quelques « points lumineux » ont aussi ce privilège de vagabonder dans la sphère des fixes, et parfois même de se cacher des observateurs : ce sont les planètes (du grec planêtês vagabond), dont cinq sont visibles à l'œil nu (Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne).
Enfin, le Soleil lui-même fait aussi partie des vagabonds du ciel ; c'est un peu moins flagrant car c'est une lumière si forte qu'elle éteint toutes les autres. Pour mettre en évidence ce mouvement apparent du soleil, il suffit d'observer les premières étoiles qui apparaissent juste après son coucher : sur l'ensemble d'une année, ce ne sont jamais les mêmes. Le soleil semble ainsi décrire en une année un grand cercle de la sphère céleste que l'on appelle l'écliptique. Le plan de l'écliptique n'est pas confondu avec le plan de l'équateur : l'écliptique coupe l'équateur céleste en deux points, dont l'un est appelé le point gamma, correspondant à la position du Soleil à l'équinoxe de printemps (voir le dessin ci-dessus)
Ainsi le Soleil parcourt les 360° de l'écliptique en une année (il avance à peu près de 1° par jour). Pour repérer la position du Soleil, on partage l'écliptique en 12 signes (de 30° chacun) : par exemple, le Soleil peut se trouver dans le signe du Cancer à 28°.
La figure suivante donne l'explication héliocentrique du parcours apparent du Soleil sur l'écliptique.
Ainsi, le 21 mars par exemple, le Soleil semble se trouver dans la constellation des Poissons, alors que le 21 juin, il semble être dans celle du Taureau : nous savons aujourd'hui qu'il n'a pas bougé mais que la Terre s'est déplacée sur son orbite, offrant à des dates différentes de l'année des points de vue distincts sur le Soleil. Concrètement, l'écliptique matérialise le plan formé par le Soleil et la trajectoire annuelle de la Terre autour du Soleil ; à très peu près, la Lune et les planètes se déplacent également dans ce plan. Fin de la parenthèse héliocentrique...
Un des problèmes les plus anciens de l'astronomie a été de dresser des catalogues d'étoiles et de repérer leur position sur la sphère des fixes. Une étoile est repérée par son ascension droite (équivalente à la longitude sur Terre) et sa déclinaison d (équivalente à la latitude sur Terre).
La déclinaison est mesurée par rapport à l'équateur céleste ; pour l'ascension droite, il faut
définir un « méridien » origine : c'est par convention le méridien passant par le point gamma
défini plus haut (voir la figure ci-contre).
Par exemple, l'étoile Sirius, qui est la plus lumineuse de la voûte céleste, a pour ascension droite 6h 45min 9s tandis que sa déclinaison vaut –16° 42' 58'' (remarquer les unités utilisées !) : cette valeur négative indique qu'elle est située légèrement sous l'équateur céleste, dans l'hémisphère austral. |
Chaque observateur, suivant sa position sur la Terre, a sa propre vision de la sphère céleste : on parle alors de sphère céleste locale.
L'astronomie pratique se fait bien sûr au niveau local, et ce ballet des astres dans le ciel nocturne au-dessus des têtes, a dû intriguer les hommes depuis les temps les plus anciens. Le Soleil se lève approximativement à l'est pour se coucher approximativement à l'ouest : les étoiles ont un mouvement analogue, sauf les étoiles dites circumpolaires, qui semblent décrire des cercles entiers autour du pôle nord céleste, sans jamais se coucher.
On repère les étoiles sur la sphère céleste locale par leurs coordonnées locales (voir ci-contre), à savoir leur hauteur mesurée de 0° à 90° et leur azimut mesuré, à partir du sud et dans le sens horaire, de 0° à 360°. Alors que les coordonnées équatoriales sont absolues en ce sens qu'elles sont les mêmes pour tous les observateurs, les coordonnées locales ne sont que relatives et dépendent étroitement du lieu et de l'heure considérée. |
L'ensemble des points de la sphère céleste locale ayant une hauteur constante est un cercle que l'on nomme almucantarat. Ainsi l'almucantarat 0° n'est autre que l'horizon et l'almucantarat 90° est ce que l'on appelle le zénith du lieu d'observation (cercle réduit à un point). À la suite d'une mesure de la hauteur du Soleil avec le dos d'un astrolabe (ou avec un astrolabe nautique), une valeur de 25° par exemple permet d'affirmer que le Soleil se trouve à cet instant précis de sa course, sur l'almucantarat 25°.
De même, l'ensemble des points de la sphère céleste locale ayant un azimut constant est un demi-cercle que l'on appelle … cercle d'égal azimut.
On peut donc imaginer tout une série de lignes quadrillant la sphère céleste locale de nos observations astronomiques (voir ci-contre) : il pourrait y avoir tous les almucantarats depuis 0° jusqu'à 90° de 10° en 10° par exemple ; on y verrait aussi tous les cercles d'égal azimut depuis 0° jusqu'à 360° de 10° en 10°. Ce réseau, virtuel, nous permet de repérer les différents objets célestes et de décrire éventuellement leur course :
ainsi le Soleil qui se lève franchit l'almucantarat 0° ; en montant dans le ciel du matin, il traverse
successivement les almucantarats dans le sens croissant, jusqu'à arriver à midi solaire à sa position la plus
haute dans le ciel (on peut préciser sur quel almucantarat) et ainsi de suite...
Idée à suivre... car on retrouve la trace d'un tel réseau d'almucantarats et de cercles d'égal azimut sur les astrolabes astronomiques… |