Ou comment « ramener » les points d'une sphère sur un plan.... Il est finalement assez naturel de procéder
comme le personnage ci-contre : un point de la sphère a pour image un point du plan équatorial.
Dans tout ce paragraphe, on utilisera les notations suivantes : (SP) est une sphère de centre O et de rayon 1 ; (P) son plan équatorial, E son équateur et S et N ses deux pôles sud et nord. |
On appelle projection stéréographique de pôle S la transformation de (SP) dans (P) qui, à tout point M de
(SP) distinct de S, associe le point M', intersection de la droite (SM) et du plan équatorial (P).
Traduction analytique Soit Oxyz un repère orthonormé direct dans lequel l'axe Oz est dirigé par le vecteur . Dans ce repère, la sphère (SP) a pour équation et le plan équatorial a pour équation z = 0 ; le point S par ailleurs a pour coordonnées (0,0,–1). |
On suppose que le point M a pour coordonnées (x,y,z) et que le point M' a pour coordonnées (x',y',z'). Comme les vecteurs et sont colinéaires, il existe un réel k tel que : = k. En passant aux coordonnées, il vient :
Mais nous savons aussi que le point M' est dans le plan (P), donc que z' = 0. La troisième égalité écrite précédemment nous donne donc la valeur de k :
k = (z différent de –1 puisque le point M est supposé être distinct du point S)
En remplaçant, on obtient :
C'est l'expression analytique de la projection stéréographique de pôle S.
Quelques propriétés immédiates
L'ensemble des points invariants de la projection stéréographique de pôle S est l'équateur (E) de la sphère (SP).
Le point M' est intérieur (resp. extérieur) à l'équateur si et seulement si le point M est situé dans l'hémisphère boréal (resp. austral).
Calculons le produit scalaire
car .
La projection stéréographique
de pôle sud est finalement la restriction à
la sphère unité de l'inversion de pôle S et de puissance 2.
Définition
Soit S un point et k un réel non nul.
On appelle inversion la transformation ponctuelle, qui, à tout point M de l’espace, distinct de S, fait correspondre le point M’ de la droite (SM) tel que = k. |
Le point S est appelé centre (ou pôle) de l’inversion ; le réel k est appelé la puissance de l’inversion.
Quelques propriétés de l’inversion de centre S et de puissance k.
(P0) Si k > 0, l’ensemble des points invariants est la sphère de centre O et de rayon
.
Si k < 0, il n’y a pas de points invariants.
(P1) Une inversion conserve les angles.
(P2) Image d'une sphère
Toute sphère passant par S se transforme en un plan ne passant pas par S. Toute sphère ne passant pas par S se transforme en une sphère ne passant pas par S. |
(P3) Image d'un plan
Tout plan passant par S est globalement invariant. Tout plan ne passant pas par S se transforme en une sphère passant par S. |
Propriétés de la projection stéréographique
a) Il résulte de la propriété (P1) que la projection stéréographique conserve les angles : c’est essentiel car toute mesure d’angle faite sur l’astrolabe sera valide dans la réalité et réciproquement.
b) Image d'un cercle de la sphère.
Théorème
Soit (C) un cercle de la sphère (SP) :
s'il passe par S, son image est une droite de (P) ;
s'il ne passe pas par S, son image est un cercle de (P).
Démonstration
(C) peut être considéré comme l'intersection de la sphère (SP) et d'un plan (Q), qui est le plan du cercle. L'image de (C) est donc l'intersection de l'image de la sphère (c'est-à-dire (P)) et de l'image du plan (Q).
Si le cercle (C) passe par S, le plan (Q) passe aussi par S et il est globalement invariant par la projection stéréographique (propriété P3). L'image de (C) est donc l'intersection de (P) et de (Q) : c'est bien une droite du plan (P).
Si le cercle (C) ne passe pas par S, le plan (Q) lui-même ne passe pas par S et l'image du plan (Q) est une sphère (L) passant par S (propriété P3). L'image du cercle (C) est cette fois l'intersection de (P) et de (L) : c'est bien un cercle du plan (P).
Descriptif des différentes pièces
Avant de voir comment on peut utiliser un astrolabe, et tenant compte de ce qui a été dit précédemment, nous allons maintenant donner un descriptif plus détaillé des différentes pièces de cet instrument.
Tout d'abord, quel est en général sa taille ? Nous savons qu'un astrolabe doit être petit, pour demeurer maniable, mais pas trop, pour ne pas nuire à la précision des tracés et des lectures. Ordinairement, les diamètres peuvent aller de 100 à 300 millimètres.
Le tympan On commence par placer l'équateur céleste et les tropiques (figure 18 page suivante) : l'équateur EE' est invariant et se projette en le cercle de diamètre [ee'] ; le tropique du cancer CC' se projette en le cercle de diamètre [cc'] et le tropique du capricorne KK' se projette en le cercle de diamètre [kk']. Ce cercle est la limite extérieure du tympan de l'astrolabe et c'est lui qui détermine la taille finale de l'instrument ; remarquons aussi que l'on choisit de ne pas représenter la partie de la sphère céleste située sous le tropique du Capricorne (voir figure ci-contre). On place ensuite les almucantarats (ou cercles d'égale hauteur) et les cercles d'égal azimut : comme projetés de cercles, ce sont encore des cercles, mais plus difficiles à tracer cependant que l'équateur ou les tropiques (figures ci-dessous). Puisqu'il comporte des almucantarats et des cercles d'égal azimut (c'est-à-dire des tracés essentiellement locaux), le tympan dépend étroitement de la latitude du lieu considéré : l'astrolabe astronomique n'est donc pas un instrument de navigation... Il est cependant facile de changer de tympan quand on change de lieu d'observation ; on peut ainsi avec un même instrument travailler à des latitudes différentes. |
L'araignée L'araignée (figure ci-contre), quant à elle, est universelle : elle est la trace simplement de
quelques étoiles de la sphère des fixes, ainsi que de l'écliptique, c'est-à-dire de la trajectoire
annuelle apparente du Soleil (qui est un cercle).
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Le limbe
À part l'équateur céleste et les tropiques, on ne trace pas d'autres « parallèles » sur l'astrolabe, dans le but de ne pas surcharger inutilement l'instrument. Qu'en est-il des « méridiens » ? En tant que demi-cercles passant par S (et N), on sait qu'ils se projettent suivant une demi-droite passant par O. Ces demi-droites ne figurent pas sur le tympan de l'astrolabe mais on retrouve leur trace sur le limbe : comme c'est sur le limbe que s'effectueront certaines lectures, il est donc en général gradué à la fois en degré, pour les mesures d'angles et en heure, pour les mesures de temps (360° pour 24 heures donc 15° par heure ; le midi correspond à la partie sud du limbe).
Le dos de l'astrolabe
Le dos de l'astrolabe comporte principalement le calendrier zodiacal et le cercle du calendrier annuel.
Le rapprochement des deux permet de déterminer la position du Soleil sur l'écliptique en fonction de la date de l'année.
C'est aussi avec l'alidade du dos de l'astrolabe que l'on mesure la hauteur d'un astre sur l'horizon.
Les résultats qui suivent sont donnés pour une latitude de 48°.
Position du Soleil sur l'écliptique de l'astrolabe
Avant tout travail avec un astrolabe, on doit commencer par déterminer la position du Soleil sur l'écliptique, position que l'on reporte ensuite sur l'araignée de l'astrolabe. On sait que cette position dépend du jour dans l'année.
On utilise pour ce faire le dos de l'astrolabe : sur le cercle annuel, on pointe avec l'alidade la date du jour et on lit la position du Soleil sur le cercle zodiacal. Par exemple, le 25 janvier, le Soleil est à 5° dans le signe du Verseau (Aquarius). Cette détermination étant effectuée, en retournant l'astrolabe, on positionne le Soleil sur l'écliptique de l'araignée (point que j'appellerai A par la suite).
Pour autant, et à cause du phénomène de la précession des équinoxes (découvert dans l'antiquité par Hipparque), le Soleil ne se trouve pas le 25 janvier effectivement dans la constellation du Verseau mais environ 29° plus tôt sur le cercle zodiacal c'est-à-dire à 4° dans la constellation du Capricorne. Autrement dit, la position du Soleil sur l'écliptique est purement formelle (elle pourrait d'ailleurs être simplement donnée en degré, entre 0° et 360°) et ne correspond plus, à un décalage près (–29°), à la véritable constellation du zodiaque que l'on peut observer dans le ciel. En fait, cela ne gêne absolument pas le fonctionnement de l'astrolabe...
Principe de l'utilisation
Nous avons vu que la sphère des fixes et la sphère locale changent continuellement de positions relatives : c'est en tournant l'araignée autour du limbe que l'on mettra ces deux sphères dans la disposition où elles se trouvent au moment de l'observation.
Une mesure (hauteur du Soleil ou d'une étoile à un moment donné) permet de placer le Soleil ou l'étoile sur le bon almucantarat du tympan et du même coup, de positionner correctement l'intégralité de la sphère des fixes (il faut penser bien sûr à avoir au préalable localisé le Soleil sur l'écliptique).
À partir de là, l'astrolabe devient un modèle réduit de l'univers au moment de l'observation, et permet de réaliser toutes les lectures voulues. Les fonctions décrites ci-après font partie du minimum de ce que l'on peut faire avec un astrolabe : suivant les instruments, et les perfectionnements qu'ils comportent, de nombreuses autres fonctions peuvent être accessibles mais nous ne les aborderons pas dans le cadre de cet article.
Mouvement du Soleil pendant une journée
Le mouvement de rotation de l'araignée (et donc du point A) va en fait simuler la course du Soleil le jour choisi (ici le 25 janvier). Il se lève vers l'est en franchissant l'horizon c'est-à-dire l'almucantarat 0° ; en poursuivant le mouvement de rotation de l'araignée, on voit le Soleil traverser les almucantarats dans le sens croissant (il monte dans le ciel) ; à midi solaire, il atteint sa hauteur la plus élevée (culmination) pour redescendre les almucantarats cette fois dans le sens décroissant (il descend dans le ciel) ; il se couche vers l'ouest en franchissant l'horizon c'est-à-dire l'almucantarat 0°. Sa course n'est alors pas terminée mais comme il est sous notre horizon, on ne le voit plus. Après un tour complet, le Soleil est à nouveau prêt à se lever : il faut cependant penser qu'il a aussi, au cours de son périple journalier, avancé d'environ 1° sur l'écliptique (le point A se décale donc tout doucement).
Lever du Soleil : on place le point A de l'araignée (5° Verseau dans notre exemple) sur la partie est de l'almucantarat 0°. L'index placé sur le point A permet ensuite d'aller lire sur le limbe l'heure solaire du lever du Soleil (on trouve environ 7h10), ainsi que l'azimut de son lever (on regarde sur le tympan –pas le limbe !– le cercle d'azimut correspondant à son lever, ici environ 292°). Remarquons que le Soleil ne se lève presque jamais exactement à l'est (c'est-à-dire à l'azimut 270°), en fait deux fois dans l'année, aux équinoxes...
Coucher du Soleil : on positionne cette fois le point A sur la partie ouest de l'almucantarat 0°. Comme précédemment, on obtient l'heure du coucher du Soleil ainsi que son azimut.
La différence entre l'heure du coucher et l'heure du lever donne la durée du jour.
Culmination du Soleil : la culmination du Soleil est son passage au méridien ; c'est le moment où le Soleil est au plus haut dans le ciel, qui définit le midi solaire vrai.
Ceci est matérialisé par le passage au sud (le méridien est un demi-cercle nord-sud de la sphère céleste, se projetant sur l'astrolabe en le segment [NS]) et sur l'astrolabe, on constate bien visuellement que le Soleil atteindra à ce moment le point le plus haut de sa course.
Ainsi pour la date du 25 janvier, le Soleil culmine à midi solaire à une hauteur de 27°.
Ceci explique aussi (voir plus haut) que le limbe (trace des méridiens de la sphère céleste) soit lui-même gradué en heures en plaçant 12 heures au sud.
Détermination de l'heure diurne
L'astrolabe permet de déterminer l'heure (solaire), à tout moment d'une journée, pourvu qu'elle soit enSoleillée, et qu'on en connaisse la date (pour fixer les idées, nous supposerons que nous sommes comme précédemment le 25 janvier et que le point solaire A a été repéré sur l'araignée).
Le principe est alors simple : on mesure la hauteur du Soleil avec l'alidade du dos de l'astrolabe (par exemple 15°) ; le Soleil se trouve donc sur l'almucantarat 15° ; en retournant l'instrument, on fait pivoter l'araignée jusqu'à ce que le point A soit placé sur l'almucantarat 15° (il y a deux possibilités, une le matin et une autre l'après-midi, et il faut donc repérer si le Soleil lors de la mesure était dans sa phase montante ou descendante). L'index amené sur le point A permet de lire (sur le limbe) l'heure solaire au moment de la mesure.
Comment passe-t-on à ce que l'on appelle l'heure légale ? Trois étapes sont à prendre en compte.
Tout d'abord la correction de l'équation du temps (liée au décalage entre le Soleil vrai et un Soleil fictif définissant l'heure), décalage certes minime mais important dans la détermination de l'heure. Les tableaux ci-dessous (source Midi au Soleil page 27, voir la bibliographie) donnent la correction (en minutes) à apporter en fonction de la date.
Janvier | Février | Mars | Avril | Mai | Juin | |
---|---|---|---|---|---|---|
1 | +3,4 | +13,6 | +12,5 | +4,1 | -2,8 | -2,3 |
10 | +7,3 | +14,3 | +10,5 | +1,5 | -3,6 | -0,8 |
20 | +10,9 | +13,8 | +7,7 | -0,9 | -3,6 | +1,3 |
30 | +13,3 | +4,7 | -2,7 | -2,6 | +3,4 | |
Juillet | Août | Septembre | Octobre | Novembre | Décembre | |
1 | +3,6 | +6,3 | +0,2 | -10,1 | -16,3 | -11,2 |
10 | +5,2 | +5,4 | -2,8 | -12,8 | -16,1 | -7,5 |
20 | +6,2 | +3,5 | -6,4 | -15,1 | -14,5 | -2,7 |
30 | +6,4 | +0,8 | -9,8 | -16,3 | -11,5 | +2,3 |
Ensuite l'heure de notre fuseau horaire est l'heure du méridien de Greenwich et il faut donc tenir compte du décalage en longitude de notre lieu d'observation. On sait que 15° de longitude représentent une heure de décalage (soit 4 minutes de décalage par degré). Ainsi pour un lieu de longitude 3° ouest, on doit ajouter 12 minutes à l'heure solaire ; on soustrait la correction dans le cas d'une longitude est.
Enfin il faut tenir compte de l'heure d'hiver (+1 heure en hiver ; +2 heures en été).
Détermination de l'heure nocturne
On procède comme pour la détermination de l'heure diurne, sauf que l'on va viser... une étoile précise (le Soleil est couché !). On choisit d'abord une étoile qui figure sur l'araignée de l'astrolabe ; on la cherche dans le ciel (si elle est présente !) et on mesure sa hauteur. On positionne alors l'étoile de l'astrolabe sur l'almucantarat approprié.
Pour lire l'heure, il faut chercher où se trouve le Soleil à ce moment, en principe bien sûr sous l'horizon, c'est-à-dire l'almucantarat 0° (car c'est la nuit) : c'est bien le Soleil qu'il faut rechercher car l'heure, même la nuit, dépend de la position du Soleil. Avec l'index, on vise donc le Soleil et l'on lit sur le limbe l'heure cherchée.
Suivant les saisons, Arcturus, Capella, Sirius, ... peuvent être utilisées : il faut être capable de les retrouver dans le ciel nocturne.