Au fil des ans
Depuis la publication du fac-similé et de son commentaire en 2008, un certain nombre d’évènements ont permis de faire avancer la connaissance de ce capitaine dieppois installé à Caudebec en Caux.
L’espace Denoville
Le vendredi 23 septembre 2016, en présence de nombreux élus et partenaires, a été inauguré ce nouvel Espace Jean-Baptiste Denoville à Rives-en-Seine (Caudebec-en-Caux). L’espace Jean-Baptiste Denoville, construit sur l’emplacement de l’ancienne Maison des Services Publics, 5 rue Sainte Gertrude, regroupe plusieurs services en un même lieu : des logements locatifs aidés, un cabinet médical, une crèche et une Maison de services au public.
Conférence au Muséoseine
Le mardi 4 avril 2017 à 17h30, MuséoSeine, le musée de la Seine normande à Rives-en-Seine (Caudebec-en-Caux) proposait une conférence sur Jean-Baptiste Denoville, marin du XVIIIe siècle, dans le cadre de son animation « une œuvre, un invité, un café » proposée chaque premier mardi du mois.
La presse locale s’est fait l’écho de cette conférence, chaleureuse et animée.
Paris- Normandie du 8 avril 2017, p. 12
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La descendance de Denoville
Dans les commentaires du manuscrit publiés en 2008, nous n’avions pu établir correctement la descendance de Jean-Baptiste Denoville, une erreur de lecture entre « Yvetot » et « Epretot » nous ayant mené dans une impasse. A l’issue de la conférence, grâce à la collaboration d’Odile Guenanff, et du généalogiste Michel Buquet, la descendance de ce capitaine a commencé à prendre forme.
Elisabeth Béatrice Denoville, la fille cadette du capitaine, épouse à Caudebec en 1794 un auvergnat, Louis Perrier, ferblantier, installé depuis peu à Yvetot. Ils auront treize enfants, dont au moins quatre meurent avant l’âge de 3 ans. La mère décède à l’âge de 52 ans et le père se remarie, alors âgé de 60 ans. La maison familiale devient probablement celle du fils ainé, ferblantier lui aussi comme son père et ses frères. Comme l’attestent les actes d’état civil, l’environnement familial est constitué essentiellement de commerçants. Voir ici la liste des 13 enfants
en .pdf ou
en .doc.
L'atelier d'un ferblantier vers 1880
Dans cette grande famille, un couple attire notre attention. La cinquième fille d’Elisabeth Denoville, Marie Arsène Clarisse, épouse en 1825 Louis Vincent Piednue, installé alors comme confiseur à Rouen, grande rue (ex rue du Gros-horloge), d’origine dieppoise par sa mère. Ceux-ci s’installent alors à Caudebec, place du marché, comme le grand-père Jean-Baptiste. C’est chez eux que décède, à l’âge de 20 ans, en 1826, le neuvième des treize enfants de la fratrie Perrier.
Place du marché de Caudebec, autour de 1800
Quant à la sœur ainée, Marie Marguerite, seule autre descendante puisque les deux fils de Jean-Baptiste Denoville et Marie Coté décèdent en bas âge, à 1 et 2 ans, elle se marie en 1786 à Caudebec en Caux avec Michel Ambroise Morieu, huissier à Routot. C’est dans ce village situé de l’autre coté de la Seine à une vingtaine de kilomètres de Caudebec qu’ils s’installent. Ils auront au moins quatre enfants (nés en 1789, 1794, 1795,1799). Michel Ambroise et son frère René Michel exercent la profession d’huissier dans ce beau village d’un millier d’habitants.
Remarquons que cette étude généalogique explique, au moins en partie, pourquoi le décès de la veuve de Jean-Baptiste Denoville à l’âge de 53 ans (estimation) n’a pas été déclaré en temps voulu, mais a fait l’objet d’une déclaration des voisins neuf mois plus tard. En effet, à sa mort le 24 mars 1800, celle-ci vit sur la place du marché avec sa mère alors âgée de 80 ans alors que ses deux filles n’habitent pas Caudebec. Elles sont vraisemblablement retenues par des impératifs familiaux : la fille aînée accouche de son quatrième à Routot le 13 décembre 1799, et la cadette met au monde son quatrième enfant à Yvetot le 9 décembre 1799 (quatre enfants en quatre ans).
La transmission du manuscrit
Nous désespérions de pouvoir établir le parcours du manuscrit avant son entrée à la bibliothèque municipale de Rouen. Avec la généalogie de la fille cadette, Elisabeth Denoville, un maillon de la chaîne qui relie le manuscrit au donateur a été établi.
Le donateur Claude Vachon
En 1919, le manuscrit est donné à la Bibliothèque municipale de Rouen par un auvergnat Claude Vachon, qui le fait parvenir à cette institution par un voisin influent de son quartier G.Dubosc. Claude Vachon, négociant alors âgé de 76 ans, demeure 5 impasse Vorzais à Mont Saint Aignan (quartier Saint-André).
Claude Vachon, né en 1843, venu d’Anzat dans le Puy de Dôme, de parents cultivateurs, s’installe à Rouen vers 1870 comme marchand de chiffons, rue du vieux palais (23, 26 ou 28). Il chemine toute sa vie aux cotés de son frère ainé Jean-Claude, lui aussi marchand de chiffons, initialement installé à Fleury sur Andelle puis à Rouen. Ce frère, membre de la Société Industrielle de Rouen à partir de 1886 au titre de « Fabricant de papier » au 25 rue Tous-vents à Rouen (quartier Saint-Sever) est, à son décès en 1897 (59 ans), négociant et demeure 17 rue Blaise Pascal à Rouen (quartier Saint-Sever).

L'univers d'un marchand de chiffons / négociant (L'univers illustré)
En étudiant la descendance de Claude Vachon, il apparaît que ce manuscrit ne lui parvient ni par sa femme, elle aussi auvergnate, ni par le réseau familial généré par les mariages de ses quatre enfants ou de ses neveux rouennais. Une autre branche de cette nombreuse famille qui a quitté les terres auvergnates, composée de brocanteurs, marchands de peaux, marchands de meubles…. est installée à Fleury sur Andelle.
La transmission aurait pu se faire par l’intermédiaire du réseau auvergnat. En effet, le gendre de Jean-Baptiste Denoville, Louis Perrier, ferblantier comme le seront ses fils, est d’origine auvergnate, débarqué en 1792. Claude Vachon arrive d’Auvergne autour de 1870 à Rouen… 70 ans plus tard… trop tard sans doute.
Suivons donc une autre piste, celle qui est liée à la profession de marchand de chiffons. Le marchand de chiffons est souvent assimilé au chiffonnier, cette profession souvent de misère, qui consiste à rechercher dans les déchets ce qui pourrait être recyclé et donc apporter un petit revenu. Le recyclage des chiffons est particulièrement complexe et donne lieu à une hiérarchie de professions, allant du chiffonnier au négociant en chiffons, ce dernier pouvant avoir un statut d’industriel . Dans les actes d’État civil, au fil des ans les deux frères Vachon rouennais passent de la qualification de « marchands de chiffons » à celle de « négociants ». Dès lors, ils demeurent dans des maisons confortables, impasse Vorzais à Mont-Saint-Aignan et rue Blaise Pascal à Rouen.

Domicile de Jean-Claude Vachon, 1887 17 rue Blaise Pascal, Rouen
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Domicile de Claude Vachon, 1897 5 impasse Vorzais, Mont-Saint-Aignan
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Comme il se passe souvent dans les successions, après une période d’oubli, pendant plusieurs décennies les descendants de Jean-Baptiste Denoville ont gardé avec soin ce magnifique manuscrit, puis au fil des ans, ils s’en sont séparés. Claude Vachon, notre « marchand de chiffons » éveillé à la valeur des rebuts, n’a sans doute eu qu’à le cueillir…. Dès 1870 il put se retrouver en sa possession. C’est fort âgé, qu’il consentit à en faire don à la bibliothèque, une démarche fréquente dans le milieu bourgeois au début du XXe siècle.
Un maillon de la transmission : Louis Piednue
Une autre étape de la transmission du manuscrit se trouve sans doute dans la descendance de Jean-Baptiste Denoville. Resté dans la maison de la place du marché à Caudebec en Caux après la mort de sa veuve en 1799, le manuscrit a probablement été considéré avec grand soin par la descendance Piednue qui demeure quelque temps, autour de l’an 1826, sur cette place du marché de Caudebec.
En effet, Louis Piednue, né en 1803, le mari de la petite-fille de Jean-Baptiste a lui aussi des origines dieppoises. A son mariage, en 1825, il est certes domicilié à Rouen rue du Gros Horloge, mais il y est confiseur comme un de ses oncles dieppois. Il est à cette date sous la responsabilité de sa grand-mère, seule ascendante encore vivante, une dieppoise, femme de cabaretier, installée rue de la halle au bled à Dieppe, à quelques centaines de mètres du quai de la Vase, là où Jean-Baptiste a passé sa jeunesse. Certes la famille de Louis Piednue n’est pas une famille de marins, mais une famille de cabaretiers, comme l’étaient les proches de Jean-Baptiste, son père Laurent et son jeune frère Bonaventure.
Ces racines dieppoises se maintiennent à travers le temps, puisqu’en 1820, alors que les parents de Louis Piednue sont drapiers à Rouen, l’une des sœurs de Louis Piednue retourne vers Dieppe pour s’installer avec Jean-Pierre Nicolas, chapelier.
La famille des grands-parents maternels de Louis Piednue et celle de Jean-Baptiste ne pouvaient qu’être liées. Dans un milieu relativement aisé, Louis Piednue portait sans doute un grand intérêt à un tel traité de navigation et le considéra certainement avec respect.

À Dieppe, le quartier des ancêtres de Marie et Louis
En deux dates
Le grand-père de Louis, né en 1743, est Jean Varangue, cabaretier, Rue de la halle au bled à Dieppe.
Le grand-oncle de Marie, né en 1740, est Bonaventure Denoville, cabaretier, Quai de la Vase à Dieppe.
Le mystère se poursuit...
Louis Piednue et sa femme restent bien peu de temps à Caudebec. En effet… Ils se marient en 1825. Leur premier enfant naît à Caudebec en 1826 et l’un des frères de Marie décède cette même année chez eux, place du marché à Caudebec. Séjour caudebécais de courte durée puisqu’en 1828 un fils naît à Paris, et en 1832, l’épouse, Marie, petite-fille de Jean-Baptiste décède à Paris. A la suite de quoi Louis Piednue se remarie, s’installe en Angleterre et a une nombreuse descendance.
Que devient la maison familiale de la place du marché à Caudebec ? Est-ce dans celle-ci qu’habitait le jeune couple en 1826 ? L’histoire de cette maison est peut-être la réponse au mystère de la transmission du manuscrit de Denoville.